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Le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, à Paris, le 3 octobre 2023.

En dévoilant la plaque « site patrimoine remarquable » à l’entrée du château Lauratet, somptueuse villa créole du XIXe siècle, siège de la chambre régionale des comptes de La Réunion, Pierre Moscovici apprécie, vendredi 29 mars, son seul moment de répit. Comme le dit sobrement le premier président de la Cour des comptes, le rapport de la juridiction financière critique sur l’octroi de mer, publié au début du mois, « s’est invité » dans l’agenda de son déplacement dans ce département de l’océan Indien.

Les traditionnelles visites protocolaires aux élus se sont transformées en séances « d’explications de texte nécessaires » du rapport, qui a provoqué un tollé. Car le document préconise une réforme profonde de cet impôt hérité du XVIIe siècle sur les produits importés finançant massivement les collectivités territoriales ultramarines. La présidente du conseil régional, Huguette Bello (divers gauche), l’a qualifié de « véritable oukase » en condamnant une « analyse partielle, partiale et orientée ».

Plutôt que le mot « réforme », la quasi-totalité des élus locaux a entendu « suppression ». Sans doute parce que le gouvernement envisage son remplacement par une TVA régionale incluse dans le projet de loi de finances 2025. En 2022, l’octroi de mer a généré 1,64 milliard d’euros aux cinq départements d’outre-mer, dont 600 millions d’euros à La Réunion.

Taxe « trop peu transparente »

« J’ai été frappé par le nombre de simplifications, de caricatures, de réductions dans l’air ambiant », constate Pierre Moscovici en répétant inlassablement pendant deux jours que « non, la Cour des comptes n’a pas proposé sa destruction, son remplacement par une TVA régionale, ou dit que l’octroi de mer était le facteur principal de la cherté de la vie ».

Cette taxe, considérée comme « à bout de souffle » et « trop peu transparente » par la Cour des comptes, doit faire l’objet d’une nouvelle demande d’agrément en 2027 devant la Commission européenne. Et « il vaut mieux se présenter avec un impôt réformé », insiste l’ancien commissaire européen à la fiscalité (2014-2019) en conseillant « une voie intelligente et concertée » plutôt que « la brutalité ou le statu quo ».

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La Cour des comptes n’a « pas d’agenda politique caché », a en outre répliqué Pierre Moscovici à destination d’un élu ayant mis en doute l’indépendance de la juridiction et fustigé sa « complicité avec le gouvernement ».

« Protection de l’activité économique locale »

Une des critiques qui passe mal chez les élus réunionnais est que cette taxe ne finance pas assez l’investissement mais est fléchée à 75 % dans les budgets de fonctionnement des collectivités. « Ce sont des dépenses qui vont dans le social, les écoles, le sport, la culture, défend Ericka Bareigts, la maire de Saint-Denis de La Réunion (PS), en se disant effrayée par les 10 milliards d’euros d’économies qu’entend réaliser le gouvernement en 2024. Ici, 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ces dépenses contribuent au développement de La Réunion et assurent un service public de proximité ».

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