lundi, juillet 8

Nous sommes avertis. S’il advenait que le Rassemblement national, dimanche 7 juillet, s’y trouvât autorisé par le suffrage universel, ce parti livrerait à la seule loi du marché le secteur entier de l’audiovisuel public, la télévision comme la radio. Il s’agirait d’une catastrophe démocratique, économique et culturelle.

Bien sûr, il serait loisible de partager la responsabilité de ce cauchemar avec le legs des années Macron, qui ont vu porter de si mauvais coups. Une exclamation déprimante du nouveau président : « L’audiovisuel public, une honte », rapportée et non démentie, peu après son arrivée à l’Elysée, en 2017. Ensuite la suppression impardonnable de la redevance, seul moyen sûr, pourtant, de garantir l’indépendance du secteur en face du gouvernement et de l’argent privé, avec la pérennité de son financement : nul système sûr ne le remplaçant. Enfin a surgi par deux fois l’idée détestable d’une fusion des sociétés concernées, sous le prétexte fallacieux qu’en l’occurrence « l’union ferait la force » – alors que tout démontre le contraire. Mais il se trouve que des événements successifs, imprévus, ont naufragé ce projet coupable, sous l’effet de la pandémie de Covid-19 puis de la dissolution de l’Assemblée.

L’heure n’est plus à la déploration de ce passé récent. Si le pouvoir politique a pu préparer les esprits, par ces marques de discrédit, à un si mauvais coup, il faut regarder plus loin en arrière. En rappelant selon quelles forces profondes un équilibre bienvenu s’est progressivement établi en France, dans ce domaine, au cœur de la démocratie.

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Notre histoire nationale, confirmée par les exemples étrangers, démontre avec éclat les vertus d’un double secteur, l’un privé, l’autre public. Dans les années trente, Georges Mandel, ministre inspiré, alors chargé de la radio, avait déjà renforcé et théorisé cette opposition : financement par la publicité d’un côté, par la nation de l’autre. Le divertissement prioritaire dans le premier cas, dans le second une offre ambitieuse d’information et de programmes, visant haut sans condescendance.

L’avantage décisif de la concurrence

Le conflit mondial et la « guerre des ondes » justifièrent ensuite une domination néfaste des pouvoirs publics. Si le monde de la radio commença de respirer un peu dès les années cinquante, grâce aux stations périphériques, il fallut attendre l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, pour que cet assainissement soit décidément visible – une protection étant désormais garantie contre les interventions du pouvoir en place par le sas d’une autorité indépendante. Les évolutions techniques de la diffusion multipliant les sources possibles contribuèrent également à faire que la télévision pût bénéficier à son tour de la concurrence de deux secteurs. On en connut désormais pleinement les bienfaits, l’Etat étant tenu à l’écart des contenus. Protection toujours fragile, certes, dès lors que renaissait, faute de garantie pérenne, le risque d’un chantage financier (son ombre vient de resurgir), mais dont les personnels et l’auditoire fidèle se font désormais les défenseurs efficaces.

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