dimanche, décembre 22

« Je photographie ce pour quoi nous nous faisons passer, afin de découvrir ce que nous sommes réellement »… Voilà plus de cinquante ans que l’Américain Neal Slavin poursuit cette ambition : rendre hommage à l’individu dans la foule, le consacrer comme créature à la fois sociale et singulière. Dès les années 1970, il est devenu le maître de la photo de groupe. De cette pratique ultracodifiée (de l’école au rituel du mariage), il a fait un jeu, l’imparable parabole de son pays.

Tout a commencé en 1972. Alors âgé de 31 ans, Neal Slavin se voit attribuer une bourse, la National Endowment for the Arts, qui lui permet de lancer un projet intitulé « Portraits de groupe des organisations américaines ». « J’envisage de faire un travail qui exprime le désir d’appartenance à notre pays et les conflits engendrés par ce désir, clame le jeune photographe dans sa note d’intention, en 1973. Pour résumer, je veux photographier des groupes. Ils incarnent l’Amérique. »

La lecture du philosophe et historien français Alexis de Tocqueville (1805-1859) lui en a soufflé l’idée. En 1838, dans son fameux essai De la démocratie en Amérique, ce dernier considérait les nombreuses associations qu’aimait à former le jeune peuple comme l’expression d’un nouvel ordre social, en rupture avec les hiérarchies rigides de la vieille Europe. Ou le groupe comme expression d’une démocratie en cours d’invention…

Autre déclic, la fascination ressentie par Neal Slavin quand il a découvert le portrait panoramique d’une troupe de scouts, pris lors d’un camp d’été. « Je me souviens avoir étudié leurs visages, leur langage corporel, je me demandais qui étaient les clowns, les enfants sérieux, évoque l’ancien louveteau. Ils s’étaient réunis pour un instant disparu à jamais. La seule chose qui en restait était cette image indélébile. »

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