vendredi, mai 17

L’intense opération de communication menée par Gabriel Attal, jeudi 18 avril, à l’occasion du franchissement du cap de ses cent jours à Matignon est inhabituelle. Après avoir appelé sur le parvis de l’hôtel de ville de Viry-Châtillon (Essonne) à la « mobilisation générale de la nation » contre la montée de la violence chez les jeunes, le chef du gouvernement a répondu durant deux heures aux questions des journalistes de BFM-TV, sans nier que la situation était « difficile » .

Nommé en janvier pour tenter de « régénérer » le second quinquennat d’Emmanuel Macron, marqué par de fortes tensions autour de la réforme des retraites puis du projet de loi sur l’immigration, le plus jeune premier ministre de la Ve République a pu mesurer à quel point la marche était haute. Certes, sa popularité qui lui a valu d’être choisi alors que de plus aguerris que lui lorgnaient la place n’est pas fondamentalement entamée. En revanche, elle n’a pas produit l’effet boule de neige escompté : la politique que mène l’exécutif reste largement incomprise, et la majorité apparaît en grand danger dans la perspective des élections européennes.

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La colère agricole qui a entraîné un rapide recul sur les normes écologiques, la brutale aggravation du déficit public qui a jeté un doute sur la crédibilité économique de l’exécutif et crée des tensions au sein du gouvernement expliquent en partie les difficultés rencontrées. La méthode que Gabriel Attal avait éprouvée au ministère de l’éducation nationale pour tenter de répondre à la défiance politique, et qui consistait à apporter une réponse rapide à un problème reconnu, s’est révélée inopérante à Matignon, où l’imprévu surgit à chaque instant.

Le Parlement contourné

Plus fondamentalement, les éléments qui avaient contribué à fragiliser Elisabeth Borne sont toujours là. La majorité ne s’est pas élargie. Depuis sa nomination, Gabriel Attal vit sous la menace d’une motion de censure qui ferait de lui le premier ministre le plus éphémère du régime. Pour cette raison, le Parlement a été soigneusement contourné sur les sujets budgétaires, au risque de faire monter le degré d’animosité des oppositions et de renforcer le sentiment d’isolement du pouvoir. Plus la conjoncture s’assombrit, plus l’exécutif apparaît replié sur une ligne qui lui vaut aussi de se couper des partenaires sociaux : la réforme annoncée de l’assurance-chômage est pour les syndicats la provocation de trop.

Pour tenter de rebondir, Gabriel Attal n’a pas cherché à rééquilibrer. Il a choisi de mettre en avant le thème de l’ordre. Lui qui vient des rangs du Parti socialiste a repris sans complexe, dans son discours de Viry-Châtillon, la grammaire sarkozyste. Il a dénoncé les « professionnels de l’excuse », appelé à un « sursaut d’autorité », persuadé de répondre aux attentes d’une majorité silencieuse dominée par la peur. Contrer la dynamique du RN reste l’objectif, mais le risque est de lui donner du carburant. Les électeurs de gauche qui avaient naguère soutenu Emmanuel Macron comprennent de moins en moins.

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On peut cependant reconnaître une forme de lucidité au premier ministre, qui affirme vouloir « répondre aux petits problèmes des Français » mais constate à quel point il est difficile de les convaincre. En souhaitant que la campagne des européennes se déroule sur le terrain européen, Gabriel Attal a semblé vouloir passer la balle à Emmanuel Macron, qui doit s’exprimer sur le sujet la semaine prochaine. C’était une façon de reconnaître que, si les débats devaient rester franco-français, la partie, pour lui, serait très difficile.

Le Monde

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