dimanche, mai 12
Philippe Minard, le 26 décembre 2009.

Historien attaché à l’intelligence du social et de l’économie pour comprendre les sociétés de l’époque moderne, Philippe Minard est mort brutalement, à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), dans la nuit du 23 au 24 mars, à 62 ans, à peine plus d’un an après son maître, Daniel Roche, dont il était si proche.

Inventif et passionné, l’homme eut toutefois le temps de mener un parcours d’excellence où l’enseignement ne l’empêcha jamais de s’engager dans des aventures collectives.

Né à Pont-Audemer (Eure), le 18 octobre 1961, il est issu d’une famille ancrée dans le monde rural – des aïeux paysans, un père mécanicien agricole. Ce n’est qu’à l’heure des classes préparatoires que Philippe Minard gagne Paris et le lycée Henri-IV. Dans la France giscardienne, le jeune homme, très politisé et déjà militant dès les années lycée, bat le pavé avec un de ses nouveaux condisciples, Vincent Milliot, vendant qui Rouge, qui Le Monde libertaire.

Philippe Minard s’intéresse aux pays de l’Est, notamment aux dissidents du monde soviétique et de ses satellites, dont le sort l’interpelle. Aussi, avec la victoire de François Mitterrand lors de l’élection présidentielle, le 10 mai 1981, est-il convaincu que tout va changer. « Le monde nous appartient ! », s’enthousiasme-t-il et, le 11, il sèche une épreuve d’intégration, voyant là une concession à l’ordre ancien. Un an de perdu seulement, puisqu’il intègre sans problème, en 1982, l’Ecole normale supérieure (ENS) de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine). Agrégé en 1985, il reste attaché à l’ENS, incité par Annie Fourcaut et Marie-France Morel, des enseignantes devenues des amies, à s’y investir, contribuant aux concours d’entrée, membre du jury puis enseignant invité.

Un infatigable passeur

Versant recherche, on attendrait Philippe Minard sur le champ du contemporain. Mais son ami Vincent Milliot lui fait rencontrer Daniel Roche, alors professeur à Paris-I, dont l’engagement sur une histoire culturelle des Lumières qui ne se cantonne pas aux élites fait plus que le séduire. Philippe Minard le fait sien. Aussi son premier ouvrage – un mémoire de maîtrise qui a déjà la rigueur méthodologique d’une thèse – est-il consacré au monde de l’atelier, aux manuels des maîtres typographes et à deux autobiographies de compagnons. Il y révèle la construction d’une représentation aristocratique et indépendante du métier (Typographes des Lumières, Champ Vallon, 1989). Les leçons de l’édition critique par Daniel Roche du Journal de ma vie de l’artisan vitrier Jacques-Louis Ménétra (Montalba, 1982) sont si formidablement retenues que le maître signe un avant-propos qui vaut adoubement.

Il vous reste 46.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version