dimanche, mai 19
Léo Scheer à Paris, le 26 novembre 2014.

Infatigable agitateur d’idées, Léo Scheer donnait l’impression d’avoir tout vécu à une allure prodigieuse. Sociologue, publicitaire, avant de devenir l’inventeur méconnu de Canal+, puis directeur de la chaîne musicale TV6, il a ensuite bifurqué au tournant des années 2000 pour lancer une maison d’édition à son nom. Lui-même a publié une dizaine d’ouvrages de référence, dont La démocratie virtuelle (Flammarion, 1994), Pour en finir avec la société de l’information (édition Sens et Tonka, 1999) et un Manifeste du parti anarchiste (éditions Léo Scheer, 2023). Léo Scheer est décédé à 76 ans samedi 4 mai à Paris, a annoncé son épouse, l’écrivaine Nathalie Rheims, dans un faire-part publié dans la presse mardi 7 mai.

Une haute stature, une voix douce, posée, un enthousiasme sans faille pour les nouvelles idées, et surtout une intelligence aiguisée qui lui permettait de jouer en ayant toujours trois coups d’avance : telle était l’impression que dégageait Léo Scheer. Il pouvait glisser sur le ton de la confidence, l’œil rieur : « A 8 ans, je faisais déjà de la politique, à 13, j’étais revenu du trotskisme. » Ces phrases faisaient bien évidemment sourire, mais il ne s’agissait pas là d’inventions : le plus inattendu, c’est que tout cela était vrai.

Ses parents juifs polonais, Aaron et Myriam – lui tailleur, elle corsetière – avaient déjà survécu au ghetto de Cracovie et à un exil en Russie en Sibérie quand Léo Scheer a vu le jour le 29 mai 1947 en Allemagne, à Pöcking (Haute-Bavière), dans un camp de réfugiés. La famille part s’installer à Paris. Le jeune Léo est effectivement très vite plongé dans la marmite politique puisque à 8 ans il est envoyé dans d’étranges colonies de vacances organisées par un mouvement de jeunesses trotskistes juives, dans un château de la Nièvre.

Dès 13 ans à la Fédération anarchiste

On lui apprend à chanter l’Internationale, l’hymne de la Commune de Paris en 1871. Il écrira plus tard y avoir surtout appris à « renforcer ses défenses contre tout système d’autorité » et en fera une ligne de vie. Il quitte ce groupe militant à l’âge de 13 ans pour rejoindre la Fédération anarchiste, organisation qu’il abandonnera à 18 ans, en même temps que tout engagement politique.

Adolescent, cet excellent élève aide ses parents qui parlent encore mal le français dans l’atelier familial parisien. C’est à lui qu’échoient très tôt toutes les formalités administratives. Après le bac, Léo Scheer obtient sans peine une licence de droit et de sciences économiques, il sort diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et termine un doctorat en sociologie en 1972. Ces années seront marquées aussi par les événements de mai 1968, son amitié avec l’homme politique Daniel Cohn-Bendit et la découverte du mouvement artistique et politique situationniste, mené par Guy Debord et Raoul Vaneigem. Réfugié apatride, il n’est naturalisé français que le 29 mai 1968, à sa majorité.

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