dimanche, mai 19
L’entraîneur de football argentin César Luis Menotti, à Buenos Aires (Argentine), le 25 janvier 2019.

Une longue et svelte silhouette, des cheveux mi-longs tombant sur la nuque et, pendant longtemps, jusqu’à une délicate opération des poumons en 2011, une cigarette en main. C’est aussi grâce à cette allure, tendance bohème chic, que César Luis Menotti, mort dimanche 5 mai, à l’âge de 85 ans, est entré dans la légende du football mondial.

Mais pour l’Argentine, pays où on ne plaisante pas avec le sport le plus populaire de la planète, El Flaco (le maigre) restera surtout, et à jamais, le premier. Autrement dit, le premier sélectionneur à voir offert le titre mondial à l’Argentine. C’était en 1978, lors du Mundial organisé par son pays, alors dirigé par la junte militaire, au pouvoir depuis deux ans.

Comment Menotti, revendiquant clairement ses orientations politiques de gauche, fils d’un membre important du parti péroniste décédé alors qu’il n’avait que 16 ans, a-t-il pu diriger la sélection d’un pays sous le joug d’une dictature militaire aux antipodes de ses convictions ?

Dans un entretien accordé en 2014 au magazine El Grafico, Menotti avait admis être au courant de certains crimes, mais pas de l’ensemble des exactions commises : « Je connaissais des dirigeants péronistes qui avaient été torturés, je savais pour les prisons, les tortures à l’électricité, je ne peux pas complètement jouer au con. Ce que je ne pouvais pas imaginer, c’est qu’ils balançaient des mecs depuis des avions, les 30 000 disparus… »

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Subjugué par le jeu des Brésiliens de Pelé

Le football avant la politique ? Ancien milieu de terrain talentueux passé par de nombreux clubs argentins (dont le Racing et Boca), Menotti aurait entamé sa longue carrière d’entraîneur après avoir été subjugué par le jeu des Brésiliens de Pelé de lors de la Coupe du monde 1970 au Mexique. Son idée du jeu ? Une approche offensive, avec un 4-3-3 dynamique. Le beau jeu avant l’efficacité ? « Ce truc du résultat qui prime, c’est une lâche infamie ! », affirmait-il lors d’un entretien accordé au magazine So Foot en 2018.

Après une première expérience d’entraîneur à la tête des Newell’s Old Boys, l’un des clubs de Rosario, sa ville natale, c’est avec un club relativement modeste basé à Buenos Aires qu’El Flaco va se faire adouber. A la tête d’Huracan entre 1971 et 1974, il remporte à la surprise générale le championnat en 1973 en développant un jeu séduisant. Une révolution « menottiste » qui ne passe pas inaperçue : un an plus tard, le voilà nommé sélectionneur de l’équipe nationale.

Lorsque les militaires prennent le pouvoir en 1976, Menotti donne sa démission. Mais le président de la fédération de l’époque, Alfredo Francisco Cantilo (1924-2013), fervent adepte du jeu préconisé par El Flaco, parvient à le convaincre de rester à son poste. Jusqu’à la fin de son mandat en avril 1979, Cantilo soutiendra Menotti face à une junte dont certains membres ne cachent pas leur incompréhension : comment donner les clés de l’équipe nationale à un « communiste » comme Menotti ?

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