mardi, novembre 19

La mer Méditerranée a perdu 70% de son eau voilà plus de cinq millions d’années, révèlent des chercheurs dans une étude publiée ce lundi 18 novembre.
En cause ? La fermeture naturelle du détroit de Gibraltar, qui a provoqué l’évaporation de l’eau.
Un pont terrestre a alors relié l’Europe à l’Afrique.

Un assèchement spectaculaire. La Méditerranée a perdu 70% de son eau il y a 5,5 millions d’années à cause d’une période de fermeture du détroit de Gibraltar, selon une étude publiée ce lundi 18 novembre. Or, l’étroit passage maritime, qui sépare l’Espagne du Maroc (nouvelle fenêtre), joue un rôle essentiel : les fleuves qui alimentent la Méditerranée en eau douce sont en effet trop peu nombreux pour compenser l’évaporation de l’eau de mer.

Ce déséquilibre est contrebalancé par les échanges d’eaux entre la mer et l’océan Atlantique à travers le détroit. En surface, l’eau Atlantique entre en Méditerranée ; en profondeur, l’eau Méditerranéenne – plus salée – sort vers l’Atlantique. Si ce passage était aujourd’hui bloqué, cela entraînerait une baisse du niveau de la mer « d’environ 0,5 mètre par an », affirment les auteurs de l’étude (nouvelle fenêtre) publiée dans Nature Communications.

Des kilomètres de sel au fond de la mer

C’est ce qu’il s’est produit entre 5,97 et 5,33 millions d’années avant notre ère. Le blocage du détroit, dû notamment aux mouvements des plaques tectoniques, a limité les échanges d’eau entre la Méditerranée et l’océan Atlantique , ce qui a entraîné une concentration de sels dans la mer. Cet épisode a laissé des traces visibles : le fond de la Méditerranée est « recouvert d’une couche de sels qui fait jusqu’à 2-3 km d’épaisseur » et totalise un million de kilomètres cubes, explique à l’AFP Giovanni Aloisi, chercheur CNRS et géochimiste à l’Institut de physique du globe.

L’ampleur de la baisse du niveau de la mer lors de cette crise restait jusqu’à présent débattue. « Certaines hypothèses disaient que le niveau de la Méditerranée n’avait pratiquement pas baissé, d’autres que la mer s’était quasiment vidée », souligne le directeur de l’étude. Grâce à l’analyse des isotopes du chlore contenus dans les sels extraits des fonds de la Méditerranée , celle-ci montre que cet épisode s’est en fait déroulé en deux étapes.

L’Europe et l’Afrique reliées par la terre

Durant une première phase, d’environ 35.000 ans, la Méditerranée était « pleine d’eau, comme maintenant », mais le rétrécissement du détroit de Gibraltar « a rendu la sortie d’eau salée vers l’Atlantique un peu plus difficile », provoquant une accumulation de sels dans sa partie orientale et rendant la mer saumâtre, détaille le chercheur.

La seconde phase a été bien plus courte – environ 10.000 ans. Le détroit s’est « complètement fermé », la Méditerranée s’est « séparée » de l’Atlantique et les échanges d’eaux avec l’océan se sont interrompus. Les sels se sont alors accumulés partout et la mer s’est asséchée. Le niveau de l’eau a chuté de 1,7 à 2,1 km dans sa partie orientale et de 850 mètres dans sa partie occidentale. Au total, le bassin méditerranéen a perdu 70% de son volume d’eau. Jusqu’à ce que le détroit de Gibraltar se rouvre et que la mer se remplisse à nouveau.

« Cette chute spectaculaire du niveau de la mer aurait eu des conséquences sur la faune terrestre et le paysage méditerranéen », explique le CNRS. Dans la partie occidentale, l’abaissement du niveau de la mer aurait conduit à la formation d’un pont terrestre reliant l’Afrique et l’Europe. Ce qui aurait permis « la colonisation des Baléares par des mammifères » venus du continent, comme des chèvres, des rongeurs et des lapins .

La baisse du niveau de la mer aurait aussi modifié la circulation atmosphérique au-dessus du bassin méditerranéen. Et même accru l’activité volcanique dans la région. « 70% du volume de la Méditerranée représente une masse d’eau énorme, qui exerce une pression sur la lithosphère », la croûte externe de la Terre, explique le chercheur. Lorsque cette pression est allégée par la baisse du niveau de la mer, la formation du magma et sa migration vers la surface est facilitée, rendant des éruptions plus plausibles.


I.N avec AFP

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