Un tribunal allemand a rejeté, mardi 20 août, l’appel d’une femme de 99 ans qui avait été reconnue coupable de complicité de meurtres dans plus de 10 000 cas au camp de concentration de Stutthof, dans l’actuelle Pologne, durant la seconde guerre mondiale.
La cour de justice de Leipzig a confirmé la condamnation d’Irmgard Furchner, qui avait été condamnée à deux ans de prison avec sursis en décembre 2022. Cette peine était conforme aux réquisitions du parquet qui avait souligné la « signification historique exceptionnelle » de ce procès, avec un jugement au caractère avant tout « symbolique ».
Irmgard Furchner est la première femme à être jugée en Allemagne depuis des décennies pour les crimes commis sous le régime nazi. Elle avait tenté d’échapper à son procès en prenant la fuite le jour de l’ouverture des audiences. Elle avait quitté en taxi son logement dans un foyer pour personnes âgées, mais ne s’était pas présentée au tribunal. Elle avait été retrouvée quelques heures après.
Agée de 18 à 19 ans au moment des faits, Mme Furchner était employée en tant que dactylographe et secrétaire du commandant du camp de Stutthof, Paul Werner Hoppe, entre 1943 et 1945. A proximité immédiate des prisonniers, « l’odeur des cadavres était omniprésente », avait estimé le tribunal, considérant « inimaginable que l’accusée n’ait rien remarqué ».
Ses avocats avaient réclamé son acquittement, estimant qu’il n’avait pas été prouvé qu’elle avait connaissance des meurtres pratiqués de façon systématique à Stutthof. En raison de son âge au moment des faits, Irmgard Furchner était jugée devant une cour spéciale pour jeunes.
« Confiance du commandant »
A Stutthof, camp proche de Gdansk [Dantzig à l’époque] où périrent environ 65 000 personnes, « des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques » ont été systématiquement assassinés. Tout au long du procès, plusieurs survivants ont témoigné, estimant, selon la procureure, que « c’était de leur devoir de parler, même s’ils devaient surmonter leur douleur pour le faire ».
Ils ont vécu dans des conditions désastreuses destinées à les faire mourir à petit feu. La plupart des détenus périrent de faim, de soif, de maladies, comme le typhus, et d’épuisement à cause du travail forcé. Pour exécuter les plus faibles, le camp disposait de chambres à gaz et d’un lieu, typique de l’Allemagne nazie, où l’on tuait d’un tir dans la nuque la victime en prétextant un examen médical.
Selon la procureure, les crimes commis n’auraient pas été possibles sans le système bureaucratique dont Mme Furchner était l’un des rouages. Elle bénéficiait de la confiance du commandant et avait accès à tous les documents jugés confidentiels.
Soixante-dix-neuf ans après la fin de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne continue de rechercher d’anciens criminels nazis toujours en vie, illustrant la sévérité accrue, quoique tardive, de sa justice. Très peu de femmes impliquées dans les crimes nazis ont été poursuivies. La secrétaire particulière d’Adolf Hitler, Traudl Junge, n’a jamais été inquiétée jusqu’à sa mort en 2002.
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La jurisprudence de la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, un gardien du camp de Sobibor en 1943, à cinq ans de prison ferme, permet désormais de poursuivre pour complicité de dizaines de milliers d’assassinats n’importe quel auxiliaire d’un camp de concentration, du garde au comptable. En juin, un ancien gardien du camp de concentration de Sachsenhausen (nord de Berlin), âgé de 101 ans, a été condamné à cinq ans de prison.