vendredi, mai 17

Pour la deuxième fois en un peu plus d’un an, un projet de loi ouvertement antidémocratique jette dans les rues de la capitale de la Géorgie, Tbilissi, des dizaines de milliers de manifestants et menace d’opposer la Russie et l’Union européenne (UE) sur l’avenir de cette ancienne république soviétique du Caucase.

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En mars 2023, le gouvernement géorgien, dominé par le parti Rêve géorgien, fondé par un oligarque prorusse, l’ex-premier ministre Bidzina Ivanichvili, avait tenté de faire adopter un projet de loi sur sur l’« influence étrangère », puis l’avait retiré sous la pression populaire. Ce texte, directement inspiré de la législation russe, exige des ONG et associations qu’elles se déclarent comme « agent de l’étranger » dès lors que 20 % de leur financement provient d’une source étrangère. En Russie, ce dispositif a permis d’éliminer la quasi-totalité des organisations de la société civile prodémocratie.

Le gouvernement géorgien a réintroduit ce projet de loi il y a trois semaines, provoquant la même réaction de rejet d’une partie de la population dont 80 %, selon les sondages, est favorable à l’adhésion à l’Union européenne. Mardi 30 avril, la police antiémeute est violemment intervenue pour disperser les manifestants rassemblés, comme chaque soir depuis le 9 avril, dans le centre de Tbilissi.

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Mercredi, sur fond de nouvelles manifestations, le projet de loi a été voté au Parlement en deuxième lecture ; un troisième vote doit encore intervenir. La présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, très engagée dans la promotion de la vocation européenne de son pays, a l’intention d’y mettre son veto, mais celui-ci peut être contourné par le Parlement.

Eviter un scénario à l’ukrainienne

Ce nouvel épisode de tension place Bruxelles dans une situation délicate. L’UE a accordé à la Géorgie, en décembre 2023, le statut de pays candidat qu’elle lui avait refusé en 2022 lorsque ce statut avait été octroyé à l’Ukraine et à la Moldavie. Des conditions portant sur l’introduction de réformes, notamment dans le domaine judiciaire et dans celui des médias, ont été posées pour l’ouverture de négociations d’adhésion.

Soucieux de ne pas voir retomber la Géorgie dans l’orbite russe contrairement aux souhaits de sa population, les Européens ne peuvent pas non plus ignorer que le projet de loi controversé contredit directement leur demande de réformes. Un haut responsable de la Commission européenne, Gert Jan Koopman, a été opportunément dépêché à Tbilissi mercredi pour le rappeler au premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze, avec lequel il a eu un entretien tendu.

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L’influence de Moscou dans cette affaire n’est un secret pour personne : M. Ivanichvili reste très lié à la Russie, d’où provient sa fortune. Dans un discours qui aurait pu être signé par Vladimir Poutine, le 29 avril, il a accusé l’opposition, caricaturée en « parti mondial de la guerre », d’être le cheval de Troie des agences de renseignement occidentales supposées vouloir prendre le pouvoir à Tbilissi.

La proximité des prochaines élections, prévues en octobre, explique en partie ce durcissement. Bruxelles souhaite éviter un scénario à l’ukrainienne, lorsque, en novembre 2013, le refus du président prorusse de l’époque, Viktor Ianoukovitch, de signer le traité d’association avec l’UE avait provoqué la révolution de Maïdan, une répression meurtrière, le renversement du régime et, finalement, l’annexion de la Crimée et l’intervention de la Russie en Ukraine. L’enjeu de cette nouvelle épreuve géorgienne est clairement géopolitique ; l’UE, cette fois, en est consciente et doit activer tous ses leviers de négociation à Tbilissi.

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Le Monde

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