- Dans son bilan pour les dix prochaines années, RTE appelle à réduire la dépendance coûteuse aux énergies fossiles et à électrifier nos usages.
- La France produit actuellement davantage d’électricité qu’elle n’en consomme, une situation qui comporte des avantages à court terme.
- Mais, pour éviter le suréquipement, il faut rapprocher les courbes de production et de consommation. RTE a élaboré différents scénarios.
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C’est un document stratégique qui a été publié mardi par RTE. Le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité a mis à jour son bilan prévisionnel pour 2035. RTE y détaille les scénarios énergétiques de la France pour les dix prochaines années.
Ce rapport va alimenter le débat politique autour de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) : ce décret, qui doit définir les orientations énergétiques de la France, a déjà plus de deux ans de retard, en raison de la situation politique mais aussi de profondes divisions politiques sur le partage entre énergies renouvelables et nucléaire. Le gouvernement de Sébastien Lecornu l’a toutefois promis « avant Noël
« , accompagné d’une « stratégie d’électrification complémentaire
« .
Sortir de la dépendance des fossiles pour des raisons climatiques, économiques et de souveraineté
RTE rappelle l’enjeu : électrifier le pays pour réduire la dépendance aux énergies fossiles. « Cette stratégie engendre des bénéfices climatiques
, a souligné Xavier Piechaczyk, le président du directoire de RTE lors d’une conférence de presse. Mais elle engendre aussi des gains économiques et des gains en souveraineté rapides
. »
Pour rappel, la France a dépensé, en 2024, 64 milliards d’euros pour acheter des énergies fossiles à l’étranger. « La France importe toujours aujourd’hui presque 60% de l’énergie finale
qu’elle consomme
« , écrit RTE dans son rapport, citant « les coûts massifs
» associés et « une dépendance géostratégique majeure
» à d’autres pays.
RTE appelle donc à réduire à 30/35% la part des fossiles dans la consommation d’énergie française en 2035 (contre 60% aujourd’hui) et à augmenter la part de l’électricité dans la consommation de 26% en 2024 à 40/45%.
La surcapacité électrique de la France va durer encore deux à trois ans
Aujourd’hui, la France consomme dépense beaucoup pour des fossiles venus d’ailleurs et pas assez d’électricité produite sur son sol, constate encore RTE. À court terme, le pays est même entré « dans un épisode de surcapacité transitoire
« . Concrètement, elle produit davantage d’électricité qu’elle n’en consomme du fait du rétablissement de la production nucléaire, de la production hydraulique et du développement des énergies renouvelables. Parallèlement, la consommation a baissé grâce notamment au renforcement de l’efficacité énergétique (par exemple, les LED pour l’éclairage public).
En raison de l’inertie du système, cet épisode de surcapacité va durer encore deux à trois ans, estime le gestionnaire. Un argument utilisé par certains, dont le RN, pour inciter à réduire le rythme de déploiement des énergies renouvelables en France. « Le système énergétique de demain devra marcher sur deux jambes, les renouvelables et le nucléaire
, répond Xavier Piechaczyk. Il n’y aurait aucun intérêt à se priver de l’une maintenant, au risque de ne plus pouvoir avancer
. »
Une situation que la France a déjà vécue
Cette situation de surcapacité n’est pas une situation inédite pour la France. Dans les années 1980-1990, le pays l’a en effet déjà connue et le sujet a été résolu, en s’appuyant notamment sur la mise en place du système heures pleines/heures creuses, la modulation du parc nucléaire et une politique d’exportation du nucléaire.
La France a aussi connu l’inverse : elle s’est retrouvée en sous-capacité en 2022/2023 au moment de la crise énergétique (phénomène de corrosion sous contrainte dans les centrales nucléaires, sécheresse historique qui a contraint les capacités hydrauliques et prix du gaz très élevés en lien avec la guerre en Ukraine).
Par ailleurs, cette surcapacité a des effets bénéfiques, comme l’a détaillé Thomas Veyrenc, directeur général en charge de l’Économie chez RTE. La France exporte de l’électricité et beaucoup, et ça c’est bon pour sa balance commerciale. Les prix de gros français sont compétitifs par rapport à nos voisins européens. « Le niveau de risque en cas de vague de froid hivernale est historiquement bas
, poursuit le responsable. La résilience du système électrique français en cas d’arrêt de réacteur ou de défaillances est plus forte aujourd’hui.
«
Décarbonation lente ou décarbonation rapide ?
Mais cette situation de surcapacité peut devenir problématique quand elle devient un sujet de « suréquipement
« , à savoir un décalage qui s’installe durablement entre la production et la consommation d’électricité. Cette évolution peut, à terme, entraîner une hausse du coût de production. Tout dépendra de la trajectoire suivie par la France, entre « décarbonation lente » et « décarbonation rapide », estime RTE, qui a travaillé sur quatre scénarios, dont deux intermédiaires.
Pour réduire le risque de suréquipement, RTE identifie un levier principal : la concrétisation effective des projets de décarbonation dans le secteur des bâtiments, des transports, de l’hydrogène, de l’industrie et des data centers. Le gestionnaire de réseau cite notamment l’existence de 170 projets industriels qui représentent 30 GWh.
La réalisation de 60% de ces projets, d’ici à 2030, permettrait d’augmenter la consommation de l’industrie à environ 113 TWh par an, environ 15 TWh pour les data centers (contre 5 TWh en 2025) et environ 15 TWh pour l’hydrogène, plaçant ainsi la France sur une trajectoire de décarbonation rapide, analyse RTE. Ce levier permet en même temps de résorber la surcapacité et de réindustrialiser la France.
Sur ce sujet, RTE précise d’ailleurs qu’il n’y a aucun projet en attente de raccordement, et seulement des projets en attente d’investissements ; et préconise d’ailleurs de revoir le droit du raccordement pour privilégier les projets qui avancent vite, selon une logique du « premier arrivé, premier servi
« .
Régler le rythme de développement des renouvelables ? C’est un levier qui a vocation à être manié avec proportionnalité.
Régler le rythme de développement des renouvelables ? C’est un levier qui a vocation à être manié avec proportionnalité.
Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE
Le second levier identifié par RTE est de « régler temporairement le rythme de développement des renouvelables
« , notamment les petites installations solaires.
Mais Xavier Piechaczyk met en garde contre les risques associés à ce levier : « C’est un levier qui a vocation à être manié avec proportionnalité
, explique-t-il. L’industrie déteste les ‘stop and go’. Ces éventuels ralentissements ne doivent pas mettre en péril des filières industrielles qui sont en train de relocaliser une partie de leur production en Europe et en France
. »
S’il était manié sans subtilité, la France prendrait le risque de se priver de capacités dont elle aura besoin à l’avenir, et placerait son système électrique dans une situation de risque en cas de crise.
Il est beaucoup plus efficace de réussir à électrifier que de réguler le rythme de déploiement de la production.
Il est beaucoup plus efficace de réussir à électrifier que de réguler le rythme de déploiement de la production.
RTE
Selon RTE, il est « beaucoup plus efficace de réussir à électrifier que de réguler le rythme de déploiement de la production
« . Ainsi, ralentir le développement des renouvelables a un effet moindre sur le coût du système que de réussir vers une décarbonation rapide, note le gestionnaire.
Mais cette électrification s’appuie sur des politiques publiques et des arbitrages budgétaires : politiques incitatives pour acheter des voitures électriques (bonus, leasing, etc), maintien de l’objectif européen de mettre fin à la vente des modèles thermiques en 2035, soutien à la décarbonation des industries, etc.
Enfin, RTE met en garde contre la tentation de certains, dans le débat public, de regarder la situation actuelle pour en tirer des conclusions pour l’avenir. « L’épisode actuel ne doit pas conduire la France à donner trop de préférence au présent au risque d’hypothéquer la résilience électrique du système national fondé sur la complémentarité
« , insiste ainsi le président du directoire, rappelant que la France a « toujours su
» dépasser ces épisodes de surcapacité.
Réagissant à la publication de RTE, Bercy estime qu’elle « confirme la nécessité d’accélérer sur l’électrification des usages pour atteindre nos objectifs : transition écologique, des logements plus résilients, décarbonation de l’industrie et réindustrialisation, indépendance énergétique
« .











