Le 31 juillet, la France fermera au public son registre des bénéficiaires effectifs (RBE). Ce registre, existant depuis 2018 et ouvert au public depuis 2021, permettait à tout citoyen de connaître l’identité des bénéficiaires effectifs d’entreprises françaises, c’est-à-dire les personnes physiques détenant ou contrôlant ces entreprises.
Cette fermeture au public du RBE est l’épilogue d’un épisode intervenu vingt mois plus tôt, à la fin de l’année 2022, lorsque la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a remis en question l’accès du public au registre des bénéficiaires effectifs. Invalidant l’accès du public à ces données au nom du droit au respect de la vie privée et de la protection des données personnelles, la CJUE a néanmoins tenu à souligner que la presse et les organisations de la société civile (OSC) avaient un intérêt légitime à accéder aux informations sur les bénéficiaires effectifs.
Proches du régime russe
L’accès au RBE s’est en effet révélé essentiel pour permettre à Transparency International France de mener ses travaux.
C’est en s’appuyant sur ce registre que Transparency International France a pu dresser un inventaire du patrimoine immobilier en France de plusieurs oligarques et proches du régime russe, identifier les chaînes de propriétés mises en place à cet effet, et réunir un faisceau d’indices sur l’origine illicite des ressources ayant permis l’acquisition de ces patrimoines.
C’est en croisant les données du RBE avec d’autres données cadastrales que nous avons pu révéler qu’en France 70 % des biens immobiliers détenus par des sociétés le sont de manière anonyme.
Au lendemain de la décision de la CJUE, alors que de nombreux Etats membres de l’Union européenne se sont illustrés par leur lenteur, voire leur retard, à transposer les textes européens en matière de transparence financière, plusieurs d’entre eux se sont empressés de fermer purement et simplement leurs registres respectifs, empêchant de facto la presse et les OSC d’y accéder.
Dès la fin de l’année 2023, dans treize des vingt-sept Etats membres, journalistes et représentants de la société civile ne pouvaient pas accéder aux registres ou devaient répondre à des exigences complexes pour démontrer leur intérêt légitime à y accéder, certains Etats membres, à l’instar de Chypre, Malte et les Pays-Bas, refusant même systématiquement l’accès à leur registre.
Une décision précipitée
Il s’agit là d’un choix délibéré. En effet, d’autres Etats membres comme la Lettonie ont décidé de maintenir leurs registres ouverts au nom de l’importance de l’accès des journalistes et des OSC à ces données, dans un contexte de résurgence de la guerre en Europe et de traque des avoirs russes.
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