lundi, mai 20

Jusqu’à présent, dans les équilibres politiques communautaires, cette mouvance parlementaire a eu un rôle marginal, exclue qu’elle est de la majorité centrale formée au Parlement par le PPE, les sociaux-démocrates (S&D, 140 sièges) et les libéraux de Renew (102). D’autant que ses élus sont dispersés. Certains (68) appartiennent au groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR), où les principales délégations sont les Polonais du parti Droit et justice (PiS, 24) et les Italiens de Fratelli d’Italia, de Giorgia Meloni (9). D’autres (58) siègent au groupe Identité et démocratie (ID), comme les 23 élus de la Ligue de l’Italien Matteo Salvini et les 18 représentants du Rassemblement national de la Française Marine Le Pen.

D’autres encore ne relèvent actuellement d’aucun groupe, comme les douze membres hongrois du Fidesz, suspendus, puis expulsés (en 2021) du PPE en raison des atteintes à l’Etat de droit et aux libertés commises par le gouvernement de Viktor Orban.

Evolution des équilibres

A l’issue du scrutin, les élus de ces partis pourraient à eux seuls occuper un quart des sièges de l’Hémicycle, contre 18 % aujourd’hui. Symétriquement, la « grande coalition » qui structure l’équilibre de l’Assemblée parlementaire devrait reculer, surtout en raison de l’érosion des sociaux-démocrates et des libéraux, mais demeurer majoritaire. Cette évolution des équilibres pourrait inciter le PPE à se tourner davantage vers sa droite, au moins sur certains sujets.

Ursula von der Leyen, la présidente (PPE) de la Commission, qui souhaite être reconduite après le scrutin de juin, a ouvert la porte à une coopération, sinon à une alliance – ce qui serait un bouleversement –, avec ECR. Une collaboration avec ce dernier « dépend beaucoup de la composition du Parlement et de qui est dans quel groupe », a lancé la présidente de la Commission, le 29 avril, lors d’un débat avec sept autres candidats des principaux partis européens. Elle a en revanche exclu de travailler avec le groupe ID.

Ce distinguo n’est pas nouveau. Au Parlement européen, ECR, qui détient une vice-présidence, s’implique davantage dans les travaux parlementaires et a déjà travaillé avec les partis de la majorité sur certains textes, quand les eurodéputés d’ID sont davantage dans une posture de rupture et soumis à un « cordon sanitaire ».

En outre, depuis un an et demi, Ursula von der Leyen et Giorgia Meloni affichent leur bonne entente et leur coopération en matière de politique migratoire, principal thème commun de tous les partis de la droite extrême. Au bout du compte, les options défendues par la présidente du conseil italien sont vite devenues un terrain d’entente avec d’autres larges segments de l’Hémicycle. La politique d’accords avec les pays de transit des migrants, imaginée initialement par l’Union européenne, s’est intensifiée, une complicité matérialisée par les visites conjointes des deux dirigeantes en Tunisie, à l’été 2023, et en Egypte, en mars.

L’externalisation du traitement des demandes d’asile, inspirée du Royaume-Uni et promue par Mme Meloni, fait désormais partie du programme du parti de la présidente de la Commission, le PPE. Symbole de l’importance que la cheffe de l’exécutif italien accorde à sa politique européenne, elle a annoncé, le 28 avril, qu’elle conduirait elle-même la campagne de son parti.

Grande diversité de positionnements

Les eurodéputés du groupe ECR seraient-ils plus « eurocompatibles », plus « modérés » ou encore plus disposés à coopérer, dans le cadre d’une majorité alternative, que ceux d’ID ? Sur la scène en pleine recomposition de la droite extrême dans l’Union, la réponse ne va pas de soi. ECR est certes structuré par des partis au gouvernement (Fratelli d’Italia) ou l’a récemment été (PiS polonais). Mais il accueille désormais le représentant à Strasbourg du parti d’Eric Zemmour, Reconquête !, et il donne toute sa place au virulent euroscepticisme du PiS.

La grande diversité de positionnements sur de nombreux sujets des partis d’ECR, qui transparaît dans notre galerie de portraits (c’est aussi vrai pour les membres d’ID), pourrait compliquer l’option d’un plus grand rapprochement avec le PPE.

Sans attendre le verdict des urnes, les deux groupes ECR et ID ont engagé une compétition pour attirer à eux le plus grand nombre des futurs élus. Très courtisé, le Fidesz hongrois est tenté de rallier ECR, mais cette perspective ne fait pas que des heureux au sein du groupe, dont certains membres voient d’un mauvais œil la proximité de Viktor Orban avec Moscou. La très grande réticence exprimée par le Suédois Charlie Weimers, dont l’adhésion de son pays à l’OTAN a été retardée par Budapest, en est l’exemple.

Dans le contexte de la guerre déclenchée par Moscou contre l’Ukraine, le soutien à Kiev et la relation à la Russie de Vladimir Poutine sont sans doute les questions qui divisent le plus la droite de la droite aujourd’hui. Compliqueront-elles les relations avec le PPE ? A Strasbourg et Bruxelles, après le 9 juin, un éventuel changement d’alliance restera à construire.

Crédits photo : AFP, Union Européenne, Parlement européen, REUTERS, AP, Freddy Schinkel

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