Histoire d’une expression. Dans sa déclaration de politique générale, le 1er octobre, le premier ministre, Michel Barnier, a évoqué une « double exigence, celle de diminuer la dette financière et la dette écologique ». Dans un message lu à la tribune de la COP 29 à Bakou, en Azerbaïdjan, le 13 novembre, le pape François déclarait quant à lui que « la dette écologique et la dette extérieure sont les deux faces d’une même pièce ».
Le terme « dette écologique » est né lors de la troisième conférence des Nations unies sur les femmes organisée à Nairobi, au Kenya, en 1985. Il apparaît sous la plume de la théologienne écoféministe Eva Quistorp dans une brochure éditée par le parti Vert allemand. On parle beaucoup à cette époque de la crise de la dette des « pays en développement ». Les nouvelles doctrines monétaristes destinées à combattre l’inflation mettent les Etats de ces pays sous le contrôle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international qui, afin d’éviter tout défaut de paiement, leur imposent des politiques d’ajustement structurel destinées à réduire leurs dépenses publiques.
Dans ce contexte, l’idée d’une « dette écologique » des pays occidentaux est soutenue par ceux qui dénoncent un échange écologiquement inégal entre le Nord et le Sud. Elle devient aussi un slogan de la diplomatie des pays émergents qui demandent l’annulation de leur dette extérieure.
Après le Sommet de la Terre à Rio, au Brésil, en 1992, la notion n’est plus l’apanage des militants écologistes. Elle devient d’un usage plus courant, notamment dans le monde de la recherche universitaire. Comme le souligne la juriste Noémie Candiago dans sa thèse sur La Dette écologique en droit international public, soutenue en 2017, on voit alors émerger « différentes versions de la dette écologique, qui se rattachent à différentes conceptions de la justice ».
Réparation matérielle et culturelle
Les économistes s’emparent d’abord de cette notion afin d’en élaborer une interprétation comptable. S’appuyant sur les méthodes de l’économie écologique, inspirée par Arthur Pigou (1877-1959) et Ronald Coase (1910-2013), leur objectif est de corriger les défaillances du marché en donnant un prix aux atteintes à l’environnement. Un aspect crucial de leur démarche consiste à élaborer, à l’usage des Etats comme des entreprises, des catégories comptables attentives aux flux de matière et aux équilibres écologiques, plutôt qu’aux seuls flux monétaires.
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