mardi, novembre 5

Tout porte à croire que la participation électorale sera une nouvelle fois élevée aux Etats-Unis d’Amérique lors des élections du 5 novembre. En 2020, elle avait déjà atteint des niveaux inédits depuis le début du XXe siècle. Cet intérêt ravivé pour un rendez-vous citoyen ne doit cependant pas induire en erreur. Il s’agit du seul aspect positif de la polarisation extrême qui fragilise la démocratie américaine, dont le principal responsable est le candidat républicain, Donald Trump.

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Il n’est pas question ici des idées ou plutôt des slogans de ce bientôt octogénaire, même si beaucoup sont exécrables, comme le projet de chasse massive et indistincte aux sans-papiers qui lui tient lieu de projet de société. Une bonne partie d’entre eux, du fait de l’incapacité des deux grands partis à s’entendre sur une réforme des lois qui régissent l’immigration, s’est pourtant intégrée de longue date dans la société américaine.

Ce qui est en cause est plus fondamental : il s’agit de sa tentative de coup de force, le 6 janvier 2021, pour rester coûte que coûte à la Maison Blanche en dépit d’une défaite incontestable dans les urnes. Elle aurait dû en toute logique précipiter sa fin politique. L’ancien homme d’affaires, qui avait annoncé la fin d’un « carnage américain » en prêtant serment de défendre la Constitution, avait alors semé le chaos et piétiné les idéaux de son pays. La négation de cette élection est devenue son premier commandement, dans un culte de la personnalité qu’il auto-entretient, tout empli de lui-même.

Complicité des juges

Sa présence sur les bulletins de vote constitue donc un signal alarmant de l’affaissement de pans entiers du système politique des Etats-Unis, sans parler de ce que signifierait une éventuelle réélection au terme d’une campagne bâtie une nouvelle fois sur l’insulte sans limites et le mensonge sans vergogne. Le Parti républicain, qui se présentait naguère comme celui de la loi et de l’ordre, a tout fait pour qu’il en soit ainsi. L’incapacité de ses élus à reconnaître publiquement que Donald Trump avait bien perdu à la loyale la présidentielle de 2020, un constat qu’aucun fait n’a pu infirmer, en dit long sur la peur qui règne au sein du Grand Old Party. Sa colonne vertébrale d’antan n’a plus guère qu’une fonction : celle de se courber devant les outrances de son candidat.

Le parti qui fut celui d’Abraham Lincoln ne manque pas de complices. Les juges conservateurs de la Cour suprême ont également tout mis en œuvre pour que le républicain n’ait pas à répondre devant la justice, avant l’élection du 5 novembre, de ses actes dans la contestation de la victoire de Joe Biden. Comme si ce rôle ne leur suffisait pas, ils lui ont taillé, le 1er juillet, une immunité présidentielle sur mesure. S’il retrouvait le bureau Ovale le 20 janvier 2025, il y a tout à redouter de l’usage que pourrait en faire cet admirateur revendiqué des autocrates, prompt à qualifier ses adversaires d’« ennemis de l’intérieur » contre lesquels il conviendrait de faire donner la garde nationale ou l’armée, quand il ne convoque pas de manière ambiguë l’image d’un peloton d’exécution.

Donald Trump joue de l’amnésie qui entoure désormais son mandat de bruit et de désordre, et de l’impopularité de l’administration sortante dont est comptable son adversaire démocrate, Kamala Harris, longtemps pénalisée par les limites ingrates qu’impose la fonction de vice-présidente. Il bénéficie également des conditions baroques de l’entrée en campagne de cette dernière, fin juillet, après le renoncement de Joe Biden. Elle a été bien trop tardive pour que la démocrate soit en mesure d’articuler un projet qui la distingue du président. Ce dernier est assurément coupable de s’être inconsidérément accroché à la perspective d’un second mandat – ce que son état de santé, à près de 82 ans, rendait totalement déraisonnable.

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Tout contribue à faire du scrutin du 5 novembre aux Etats-Unis une épreuve sans précédent dans l’histoire américaine. Cette démocratie qui s’est longtemps posée en modèle se révèle, hélas, incertaine et vacillante.

Le Monde

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