mercredi, juin 26

Sur les fronts au-delà de Lyman, les forêts brûlent. Même quand les bombardements de l’armée de Moscou cessent, les feux continuent de consumer la région, jour et nuit. Déjà meurtrie par les attaques de chars et les duels d’artillerie la première année de l’invasion russe, lorsque la ville de Lyman, située dans l’oblast de Donetsk, avait changé de mains deux fois, la forêt d’arbres aux troncs sectionnés est devenue, par endroits, une forêt noire. Selon les vents, les villages et les routes sont parfois envahis de nuages de cendres.

Cachés sous des arbres à demi calcinés par leur propre canon de 152 mm, chaque tir d’obus s’accompagnant d’une boule de feu qui enflamme les branches alentour, les artilleurs « Bulba » (en hommage au combattant cosaque Tarass Boulba, du roman de Nicolas Gogol) et « Rakun » (raton laveur), de leurs noms de guerre, reçoivent l’ordre de viser une pièce d’artillerie ennemie. Bulba transmet les coordonnées, les hommes se bouchent les oreilles, Rakun déclenche le tir, le sol tremble, la forêt tressaille. Un seul coup suffit. La bataille n’est pas déchaînée ces jours-ci, alors il est inutile de gâcher des obus, dont les forces ukrainiennes affirment cruellement manquer.

Les artilleurs d’une unité de la 12ᵉ brigade Azov tirent sur des positions russes avec leur canon de 152 mm, Guiatsint-B, après en avoir reçu l’ordre par radio. Dans les environs de Lyman, dans le Donbass, en Ukraine, le 4 mai 2024.

Bien qu’ils tirent avec un puissant canon Guiatsint (« jacinthe ») soviétique, Bulba et Rakun ne sont pas des militaires de carrière et n’ont appris des rudiments d’artillerie qu’après s’être engagés volontaires, comme des centaines de milliers de jeunes Ukrainiens depuis deux ans. Eux ont choisi de se présenter à un centre de recrutement de la 12e brigade d’assaut Azov.

Issus des mouvements nationalistes

Dans une Ukraine qui débat, depuis l’échec de la contre-offensive estivale sur les fronts sud en 2023, de la nécessité et des modalités de la mobilisation d’hommes en âge de combattre, et alors que la Russie accentue ces derniers mois sa pression militaire dans le Donbass, les unités de volontaires issues des mouvements nationalistes sont particulières. Si elles n’intègrent pas d’hommes mobilisés par l’armée, elles ont le droit d’ouvrir leurs propres centres de recrutement de volontaires, qui rencontrent souvent davantage de succès que la filière classique.

Pour Azov, le défi reste néanmoins entier : le régiment, qui a défendu Marioupol au printemps 2022, bataillant jusque dans les entrailles de l’usine métallurgique d’Azovstal, avant la reddition et le départ en captivité de ses hommes, a été promu au rang de brigade. L’unité doit passer de 1 500 à 7 000 hommes, ce qui n’est pas une mince affaire dans une guerre où les hommes les plus résolus à combattre se sont déjà engagés dès 2014 dans le Donbass, ou après l’invasion russe du 24 février 2022.

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