samedi, octobre 19

L’écrivain québécois Kev Lambert est l’invité du podcast « Les Gens Qui Lisent Sont Plus Heureux ».
Son nouveau roman, « Les Sentiers de Neige », vient de paraître aux éditions Le Nouvel Attila.
Retrouvez cet épisode et tous les précédents sur toutes les plateformes de téléchargement.

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#PODCAST – Les Gens Qui Lisent Sont Plus Heureux

Le nouvel épisode du podcast « Les Gens Qui Lisent Sont Plus Heureux » donne la parole à la nouvelle star de la littérature québécoise. Lauréat l’an dernier du prix Médicis et du prix Décembre avec Que notre joie demeure, Kev Lambert, 31 ans, est de retour cet automne avec un roman bien différent. Après avoir raconté la chute d’une célèbre architecte septuagénaire, le natif de Montréal s’est glissé dans la peau de Zooey, un petit garçon de huit ans invité à un réveillon de famille qu’il redoute plus que tout. Avec sa cousine Emie-Anne, il embarque dans un monde imaginaire, sur la piste d’une étrange créature… 

« C’est un enfant qui vit son premier Noël après la séparation de ses parents et qui se pose beaucoup de questions par rapport à ça. Il se sent coupable. Il se demande si c’est sa faute, est-ce que c’est normal ? Qu’est-ce que ça veut dire de moi ? Il sent qu’il y a une sorte de défaut en lui, un défaut que lui renvoie le monde dans lequel il évolue parce qu’est un enfant qui est perçu comme efféminé, trop sensible. À l’école, dans la famille, on lui fait bien savoir que ce n’est pas normal d’être comme ça. »

Au bout de quelques pages, Kev Lambert matérialise la vie intime de son personnage en changeant de pronom, quitte à dérouter le lecteur non averti. « Il faut que ça déroute un peu, c’est bien. La littérature sert à ça« , s’enthousiasme l’intéressé. « Zooey est perçu comme un jeune garçon par son entourage. Mais il y a des moments, comme dans la bibliothèque la première fois, où soudainement, par le truchement de la fiction, avec ses princesses à cheval, il se projette… et devient lui-même une princesse. Et puis lorsque le professeur débarque dans la bibliothèque, le masculin revient car il y a une sorte de surveillance qui se réinstalle. »

Si son jeune héros change de pronom au fil de l’intrigue, son créateur a lui changé de prénom puisque c’est celui de Kevin figurait sur la couverture de ses trois précédents romans. « Je fais une transition et la question du nom se pose« , raconte l’auteur. « Mais je trouve qu’il y a quelque chose de violent dans le fait d’avoir un ‘dead name’, un nom mort. Kev, c’est le nom qu’on me donne au jour le jour, c’est comme ça que mes parents, mes amis m’appellent. Je le trouvais plus neutre. C’est donc celui que j’ai décidé d’adopter. »

Ce qui fait peur, ce sont les murailles, les frontières, les jugements sociaux, les identités qu’on fait peser sur nous

Kev Lambert

À l’heure où la question du genre suscite de vifs débats, Kev Lambert en propose une définition toute personnelle. « C’est un changement de genre. Mais est-ce un changement ou juste le fait d’adopter une apparence physique qui ne correspond pas forcément au masculin ? Je n’ai pas besoin de catégorie définie pour me dire« , insiste l’auteur. « Je n’aime pas trop les mots garçon, homme ou masculin. Mais les mots fille, femme ou féminin non plus. C’est une transition vers nulle part, ou un entre-deux. Une manière de m’approcher des différentes identités que j’ai en moi. Pour moi, c’est un soulagement. Ce qui fait peur, ce sont les murailles, les frontières, les jugements sociaux. Les identités qu’on fait peser sur nous et qu’on ne choisit pas. »

Comme chaque invité, Kev livre sentiment sur l’affirmation qui donne son titre à notre podcast. « La littérature, c’est pour moi une grande source de soulagement ou de consolation« , avoue l’écrivain. « Mais ce n’est pas toujours en nous faisant du bien qu’elle y parvient, c’est même parfois en nous faisant du mal. En nous permettant d’exprimer les émotions les pulsions les plus inconscientes et les plus horribles. D’agressivité ou de meurtre, même ! La littérature donne le droit à notre inconscient de les sublimer, de les vivre. Elle a une fonction sociale à ce niveau-là. Elle nous permet aussi de connecter avec des souffrances, des souvenirs qui font mal encore. »

L’auteur donne en exemple sa lecture à l’âge de sept ans du premier volet de la saga Harry Potter. « Quand je le lisais qu’un enfant portait la marque d’un agresseur, de la personne qui lui a fait du mal, et que dans les tomes suivants il y a la voix du méchant en lui, je me reconnaissais« , se souvient Kev. « Un peu comme Zooey, j’entendais parfois des voix de reproches. Elles me disaient que j’étais anormal, que si mon monde était un peu déstructuré par rapport à celui des autres enfants, c’était peut-être parce que j’avais fait quelque chose de pas correct. Sans le comprendre, je pense que j’allais chercher dans la littérature une sorte de résonance des cicatrices. »

>> Les Sentiers de Neige de Kev Lambert. Editions Le Nouvel Attila. 432 pages. 21,90 euros


Jérôme VERMELIN

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