vendredi, mai 17
L’écrivain Julien Dufresne-Lamy, à Paris, le 12 avril 2024.

Elles s’appellent Lisa, Jennie, Jisoo et Rosé. Au début de l’été 2016, les quatre membres du groupe Blackpink, moyenne d’âge de 19 ans, font leur première ­télévision, testent leurs mimiques, des aegyo, dit-on en Corée du Sud, et supplient le public de les aimer. Leur vœu sera exaucé au-delà de leurs espérances. Le quatuor devient vite l’image de la hallyu, un terme chinois désignant la déferlante mondiale de la culture sud-coréenne entre K-pop, K-food, jeux vidéo et séries type Squid Game. Les Blackpink affolent YouTube et Spotify, jusqu’à devenir le groupe féminin le plus écouté au monde.

Devenues des égéries du luxe, les quatre filles offrent une image si lisse et formatée qu’on peine à y déceler le grain du réel. Dans son livre Spectacle (JC Lattès, à paraître le 2 mai), Julien Dufresne-Lamy donne chair à cette épopée contemporaine. Ce « roman vrai » – mise en fiction à travers des ­dialogues et des scènes parfois inventées d’une histoire bien réelle – s’appuie sur une enquête de plusieurs années.

L’auteur de 36 ans, qui a notamment publié Deux cigarettes dans le noir (Belfond, 2017), dédié à la chorégraphe Pina Bausch, et Jolis Jolis monstres (Belfond, 2019), une saga consacrée à la scène drag-queen new-yorkaise, tisse une œuvre autour de la performance, fasciné par « le corps et ses innombrables réinventions, le fait d’offrir sa vie au spectacle », explique-t-il dans un bistrot du 10arrondissement de Paris. Quand, en 2020, il découvre l’histoire de Lisa, rappeuse et danseuse la plus connue de Blackpink, il voit en elle « une grande héroïne résiliente et romanesque ».

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés Blackpink, quatre filles dans le vent du luxe

Julien Dufresne-Lamy se met à apprendre le hangeul, l’alphabet coréen. Puis, avec l’aide d’un professeur de conversation, il tente de maîtriser cette langue difficile, « révérencieuse et prudente », dans laquelle « vouloir » n’existe pas et où certains verbes se traduisent différemment selon l’âge de l’interlocuteur. Un apprentissage indispensable pour éviter la condescendance occidentale et ses clichés. Et aussi pour se mettre dans la peau de son héroïne, Lisa, dont il suit les traces, sans pouvoir la rencontrer, lors d’un séjour de trois mois en Corée du Sud au printemps 2023.

La plus grande star coréenne est thaïlandaise

Cette dernière est née Pranpriya Manobal en Thaïlande, a débarqué en Corée à 14 ans sans parler un mot de coréen, première étrangère repérée par le label YG. « Lisa a dû affronter le rejet et le racisme, très prégnant en Asie de l’Est vis-à-vis de l’Asie du Sud, terres que certains jugent plus pauvres et moins nobles, raconte Julien Dufresne-Lamy. Ses cinq années de formation ont été une longue épreuve. Ironie du sort : elle est aujourd’hui la plus importante artiste de la musique coréenne. Elle est une figure d’ouverture, d’humilité et de persévérance érigée face à tout un système qu’elle a réussi à dompter. »

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