jeudi, octobre 3

Une parole rare. Vingt ans après le meurtre de son fils Grégory, Jean-Marie Villemin livre sa vérité sur la célèbre affaire judiciaire, dans une BD à paraître ce jeudi 3 octobre aux éditions Les Arènes. Un album baptisé sobrement Grégory, co-écrit par Pat Perna et illustré par Christophe Gaultier, et dont Jean-Marie Villemin est le personnage principal.

Dans sa préface, Jean-Marie Villemin explique en détail sa décision de raconter sa version des faits en BD. Pour ce faire, il revient dans un premier temps sur l' »anéantissement total » qu’il a ressenti avec son épouse Christine après le meurtre du petit Grégory le 16 octobre 1984 à Lépanges-sur-Vologne (Vosges) – une affaire toujours non élucidée à ce jour.

« Un corbeau dont nous ne connaissons toujours pas l’identité a tué notre fils de 4 ans pour me ‘faire mourir de chagrin’. Au nom de quoi? Pour assouvir quelle haine? », écrit-il.

« Je me demande comment nous avons survécu », poursuit celui qui avait 26 ans au moment des faits. « Nous étions perdus, au fond du gouffre, sans aucun soutien, ballottés par les événements et une justice erratique. »

« Tant de malheurs »

Jean-Marie Villemin dénonce dans son texte « la médiatisation de (sa) tragédie » et fustige les policiers, les magistrats et les journalistes « qui ont approché le dossier de près, et qui pour certains l’ont dévasté, s’expriment sans scrupules ni honte et en profitent pour dire n’importe quoi. »

Le père de Grégory Villemin s’en prend en particulier aux journalistes Jean-Michel Bezzina et Marie-France Lefèvre-Bezzina, au commissaire Jacques Corazzi, qui a dirigé l’enquête après le dessaisissement des gendarmes, et à l’avocat Gérard Welzer, qui a défendu Bernard Laroche, le premier suspect de l’affaire.

« Ce sont leurs manipulations qui ont entraîné tant de retard dans la recherche de la vérité et tant de malheurs qui n’auraient jamais dû avoir lieu », insiste-t-il.

Quelques semaines après la mort de son fils, Jean-Marie Villemin tue son cousin Bernard Laroche. « Nous étions dans cette tornade, comme des enfants écrasés de chagrin », se remémore-t-il. « J’ai craqué, j’ai pris la vie de mon cousin, je resterai à jamais un assassin. Je le regrette tant. »

« La vengeance n’est pas une solution, même si vous êtes convaincu d’être en face de l’homme qui a enlevé votre fils, de l’homme dont vous pensez qu’il a été son bourreau… Car il faut vivre après avec ce poids-là. J’ai mûri, j’ai appris, je me suis apaisé et je sais le prix de la douleur et des larmes », complète l’homme, condamné à cinq ans de prison dont un avec sursis après son geste.

« Prendre les devants »

Rappelant qu’il n’a pris « la parole publiquement que trois fois en trente ans », Jean-Marie Villemein révèle avoir « reçu des centaines de sollicitations en tout genre » pour qu’il raconte avec son épouse leur version de l’affaire. Préférant « agir » plutôt que « subir », il a pris la décision de chapeauter intégralement ce projet. Et de le faire en BD.

« J’aime ce moyen d’expression qui peut être rigoureux, accessible à tous », développe-t-il en précisant avoir voulu « prendre les devants » de l’anniversaire des quarante ans de la mort de son fils. Jean-Marie Villemin a alors contacté Laurent Muller, l’éditeur BD des Arènes, maison d’édition dirigée par Laurent Beccaria, que les Villemin connaissent bien ce dernier.

« Jeune éditeur, il avait publié l’ouvrage de référence sur notre affaire, Le Bûcher des innocents de Laurence Lacour », raconte Jean-Marie Villemin. « Il nous a ensuite accompagnés dans l’écriture de notre livre, Le Seize Octobre, et il est devenu un ami. Laurence et lui savent qui je suis et ce que nous avons traversé, le prix que nous avons payé, combien nous avons été haïs à une époque. »

Sans Christine Villemin

Présentée un temps comme la principale suspecte, avant d’être lavée de tout soupçon, Christine Villemin a refusé de participer à ce projet. « Quand j’ai parlé de mon projet à Christine, elle m’a laissé libre de le mener à bien, à la condition de ne pas y être mêlée. C’est une grande brûlée des médias. Christine ne peut plus supporter cette curiosité qui nous a fait tant de mal. »

Le dessinateur Christophe Gaultier et le scénariste Patrice Perna ont travaillé dans le plus grand secret sur ce projet, « conscients de (sa) complexité », souligne Jean-Marie Villemin. « Malgré la lourdeur de la tâche, la complicité s’est rapidement installée entre nous et l’album a avancé avec sérieux. » Et d’ajouter:

« Le processus de création de la bande dessinée repose sur leur talent à eux deux. Je leur ai fourni les informations nécessaires et j’ai répondu à leurs questions. J’ai passé des mois et des mois à éplucher le dossier. Cette connaissance est impossible à acquérir pour un documentaliste. »

« Surprenant, déchirant »

Jean-Marie Villemin est très satisfait du résultat, qui retrace « avec justesse la période la plus noire de notre vie ». « Le résultat final est impressionnant, surprenant, déchirant, pour ne pas dire plus. Malgré des raccourcis nécessaires à la narration, le fond demeure authentique, rien n’est inventé, bien au contraire. » L’homme confie avoir « souvent pleuré » en découvrant ces pages. « Christine aussi », précise-t-il.

« Cette BD honore la mémoire de Grégory, et j’en suis heureux », se réjouit-il avant de remercier ses proches pour leur soutien pendant la création de l’album. « Je pense à Christine, je la remercie d’avoir survécu à tous nos malheurs, je la remercie pour sa présence dans ma vie », écrit-il.

Il conclut sa préface en s’adressant à Grégory: « Je pense très fort, chaque jour, à notre petit homme, Grégory, qui nous donne la force de vivre sans lui, de vivre en dehors de la haine, sans rancœur, de vivre heureux et de vivre pour sa mémoire. Pour toujours avec lui. »

Article original publié sur BFMTV.com

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