Il nous reçoit dans son salon du 7e arrondissement, silencieux et saturé de livres. Ils sont partout – sur les étagères, les rebords, les tables basses – mais rien ne déborde : tout est rangé, classé, soigneusement ordonné. Une bibliothèque vivante, à l’image d’un homme que la culture habite. À 75 ans, Alain Finkielkraut lit à la lumière du monde et continue d’écrire contre le vacarme du temps. Lorsqu’on l’interroge sur ce qui a façonné son imaginaire, sa voix grave, précise, se fait soudain plus douce. Il évoque une séance de cinéma sous les étoiles dans un kibboutz, l’éblouissement d’un premier Dostoïevski à quinze ans, la joie presque enfantine d’un concert de McCartney et ces larmes d’enfant, versées un jour devant un western avec Gregory Peck, quand un père abattait son fils au nom de l’honneur. Stabilo à la main, Pléiade à portée, le philosophe lève le voile sur son panthéon intime, où la fidélité aux grandes œuvres est aussi une manière de résister au présent.
Le Point : Le premier livre qui vous a marqué ?
Alain Finkielkraut : Sans doute Les Carnets du sous-sol de Dostoïevski. J’avais quinze ans. Ce monologue effréné m’avait fasciné. Je ne suis pas sûr d’avoir tout à fait compris, mais l’histoire entre le héros et une prostituée m’avait profondément frappé : une relation semble s’esquisser entre eux, et le héros, mû par un amour-propre délirant, saccage cette relation. J’ai toujours trouvé cette histoire absolument terrible. Je l’ai lue sans doute un […] Lire la suite