jeudi, mars 27

Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a décidé de limoger le chef du Shin Bet.
Ronen Bar a été accusé de saper les « fondements de la démocratie » en enquêtant sur un ministre d’extrême droite.
L’antagonisme entre les deux hommes est cependant plus profond.

Benyamin Nétanyahou ouvre un nouveau front. Non contre le Hamas ou le Hezbollah, mais envers le patron du Shin Bet : depuis vendredi 21 mars, le Premier ministre cherche à limoger Ronen Bar, qu’il a accusé de saper les « fondements de la démocratie » en enquêtant sur un ministre d’extrême droite.

L’affaire a débuté juste avant le week-end, quand une lettre de « Bibi » aux membres du gouvernement a évoqué « une perte de confiance professionnelle et personnelle persistante entre le Premier ministre et le directeur du service« . Ronen Bar a rapidement réagi : celui qui avait été nommé en octobre 2021 pour un mandat de cinq ans à la tête de la prestigieuse agence de sécurité intérieure a affirmé que les motivations de son limogeage sont basées sur « l’intérêt personnel » et ont pour but d’« empêcher les enquêtes sur les événements qui ont conduit au 7-Octobre et sur d’autres graves affaires examinées actuellement par le Shin Bet ».

Une enquête sur l’infiltration d’éléments d’extrême droite au sein de la police

Rapidement, le bras de fer entre les deux hommes est sorti de l’arène politique. Nouveau signe d’une polarisation croissante de la société israélienne, des dizaines de milliers de citoyens sont descendus ce week-end dans les rues pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une dérive autocratique du chef du gouvernement. Benyamin Nétanyahou est en effet en conflit avec la Cour suprême, qui a suspendu le limogeage de Ronen Bar. Mais aussi avec la procureure générale de l’État, Gali Baharav-Miara, contre laquelle son cabinet a voté dimanche une motion de défiance, première étape d’une procédure de destitution promettant d’être longue.

Selon le Bureau du Premier ministre, le maintien à son poste de Ronen Bar est inconcevable. Ce personnage incontournable du pouvoir est en effet accusé d’avoir enquêté sans l’accord de « Bibi » sur le ministre d’extrême droite Itamar Ben Gvir, chargé du portefeuille de la Sécurité nationale. La chaîne de télévision 12 rapporte en effet que le Shin Bet menait depuis quelques mois une « procédure secrète » d’enquête sur l’infiltration d’éléments d’extrême droite au sein de la police et sur son ministre de tutelle, Itamar Ben Gvir. Ce dernier a d’ailleurs qualifié Ronen Bar, sur le réseau social X, de « criminel » et de « menteur, qui tente maintenant de nier sa tentative de conspiration contre des élus dans un pays démocratique ». 

Ronen Bar a affirmé lutter aussi contre le « terrorisme juif »

Plus largement, Ronan Bar – tout comme Gali Baharav-Miara – sont dans le viseur du pouvoir car ils ont été nommés à leurs postes respectifs par la coalition gouvernementale précédente. Celle-ci avait été dirigée, en 2021 et 2022, par Naftali Bennett et Yaïr Lapid. Benyamin Nétanyahou, revenu au pouvoir fin 2022 avec l’aide de partis d’extrême droite partisans d’une extension tous azimuts de la colonisation en Cisjordanie, souhaite désormais faire table rase au sommet du pouvoir. Surtout que les prises de position de Ronen Bar ont suscité des dissensions au sein de son gouvernement.

Le patron du Shin Bet ne s’est pas fait que des amis en affirmant qu’il luttait aussi contre le « terrorisme juif » qui, selon ses propos rapportés par des médias, contribue à alimenter le « terrorisme palestinien« . En 2023, il avait également averti Itamar Ben Gvir que l’action de la police à Jérusalem-Est, annexée par Israël, crée un sentiment de punition collective et de harcèlement parmi la population palestinienne. Il lui demande aussi de ne pas se rendre sur l’esplanade des Mosquées. Mais le ministre a ignoré ses mises en garde à plusieurs reprises, suscitant à chacune de ses visites un tollé international.

Outre le fiasco des services israéliens dans l’attaque du 7-Octobre, son sort aurait été scellé par l’enquête du Shin Bet sur l’affaire, baptisée « Qatargate » par les médias, impliquant des proches de Benyamin Nétanyahou pour des versements occultes présumés du Qatar.


T.G.

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