lundi, septembre 30

TF1 et LCI consacrent ce lundi une page spéciale à la situation financière du pays : « La France vit-elle au-dessus de ses moyens ? »
Alors que les comptes publics du pays sont dans le rouge, comment résorber la situation budgétaire de la France ?
L’économiste Christian Saint-Étienne, ancien membre du Fonds Monétaire International (FMI), répond à TF1info.

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La France vit-elle au-dessus de ses moyens ?

Un déficit qui dérape, et des comptes publics toujours plus dans le rouge. En arrivant à Matignon, il y a trois semaines, le Premier ministre Michel Barnier a trouvé une situation budgétaire « extrêmement grave », a-t-il déploré samedi 28 septembre. C’est en tout cas ce que montrent les derniers indicateurs. Quelques jours avant lui, le ministre du Budget a en effet annoncé que le déficit « risquait de dépasser » les 6% du produit intérieur brut (PIB) cette année, bien au-delà de l’estimation initiale de 5,1%. Et l’Insee a prévenu le lendemain que la dette flirtait désormais avec les 3230 milliards d’euros, soit 112% du PIB , un record.

Comment la France en est-elle arrivée là ? Est-ce grave ? Quelles préconisations pour remettre les comptes à l’endroit ? L’économiste Christian Saint-Étienne, ancien membre du Fonds Monétaire International (FMI) et ex-conseiller de Paris UDI, nous éclaire.

TF1info : La situation économique du pays est devenue un sujet de préoccupation majeur… Comment la France en est-elle arrivée là ?

Christian Saint-Étienne : Nous subissons forcément les effets de la double crise du Covid-19 (2020-2021) puis de l’énergie (2022-2023). Durant cette période, l’État a donné beaucoup d’argent aux ménages et aux entreprises pour les aider. Cela a conduit à un déficit, supposé temporaire, lié à ces aides. Le problème est que le retour à la normale n’est pas assez rapide. Des éléments structurels majeurs sont aussi en cause. Depuis la crise des Gilets jaunes , en 2018, le président de la République Emmanuel Macron est extrêmement dépensier. Il a essayé de régler toutes les crises avec un carnet de chèques. Or, ce n’est pas le sien, mais celui du pays. Cela a largement contribué à l’explosion de la dépense.

25% de la dépense publique, ce sont les retraites. Nous allons être obligés d’allonger l’âge de départ…

Christian Saint-Étienne, économiste

L’État est-il le seul responsable ?

Lorsque nous parlons de déficit public, il s’agit de la somme du déficit de l’État, des collectivités locales et de la Sécurité sociale. Depuis deux ans, il y a une dérive extrêmement rapide de la dépense des collectivités locales. Il faut absolument que sur les plans législatif et constitutionnel, des limites soient imposées. Et sur la Sécurité sociale , les dépenses augmentent extrêmement rapidement, notamment les retraites. D’un autre côté, en 2024, les recettes de TVA et d’impôt sur les sociétés sont plus faibles qu’anticipé. D’où cet impact sur le déficit public.

Un déficit de 6% est certes deux fois plus important que ce que les règles européennes exigent, mais à quel point est-il vraiment grave ?

Les marchés financiers commencent à perdre confiance dans la capacité de la France à rembourser. Compte tenu de l’augmentation du différentiel de taux d’intérêt entre la France et l’Allemagne, notre dette publique nous coûte de plus en plus cher. Cela réduit d’autant nos investissements potentiels pour l’éducation, les infrastructures, la recherche… C’est de la mauvaise dépense. Notons aussi que nous dépensons beaucoup, mais pas là où il faut : la dépense de fonctionnement représente 93 à 94% de nos comptes. Or, l’économie mondiale se transforme rapidement. La France n’investit pas assez pour développer son appareil industriel.

Comment résorber cette situation, selon vous ?

Le point central, c’est le contrôle de la dépense. Elle représente 57% du PIB, neuf points de plus que la moyenne de la zone euro. C’est un vrai problème. Rappelons que 25% de la dépense publique, ce sont les retraites. Quand j’entends que l’on veut revenir sur la réforme des retraites, c’est hallucinatoire. En réalité, nous allons être obligés d’allonger l’âge de départ… En outre, de plus en plus de rapports montrent qu’il existe entre 13 et 15 milliards de fraudes, uniquement sur la Sécurité sociale. Une reprise en main est nécessaire, tout comme sur les collectivités locales.

Quid d’une hausse des impôts, mesure dont parle déjà le gouvernement de Michel Barnier pour augmenter les recettes ?

Pour qu’un plan de réduction du déficit ne casse pas l’activité économique, il doit être divisé en deux : 80% de baisse de dépenses pour 20% de hausses d’impôts. La France doit baisser son déficit de 25 milliards d’euros par an pendant trois ans pour revenir dans les clous. En appliquant ces proportions, cela signifie baisser la dépense de 20 milliards par an, et augmenter les impôts de cinq milliards chaque année. Pour y parvenir, nous pouvons imaginer des hausses de la CSG, de la TVA… Et, pour des raisons symboliques, une augmentation de l’impôt sur les très riches. Nous allons tous passer à la caisse.


Idèr NABILI

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