Il est l’un des spécialistes chinois des relations internationales les plus reconnus. Régulièrement consulté par les médias chinois, il décline habituellement les entretiens avec les médias étrangers. Et s’il accepte de rencontrer Le Monde, c’est uniquement « off the record ». De fait, les propos qu’il tient sortent du cadre de réserve auquel s’astreignent désormais la plupart des voix à l’intérieur de la Chine.
Interrogé sur les relations avec les Etats-Unis, notre interlocuteur est confiant, mais pas pour les raisons généralement avancées. « Il n’y aura pas de guerre avec les Etats-Unis car nos dirigeants, qui figurent parmi les hommes les plus riches du pays, y ont placé leur argent, une partie de leurs proches, y compris leurs maîtresses, et ils n’auront jamais le courage de renoncer à ces avantages », affirme-t-il. Il ne tient pas Xi Jinping en grande estime. « Il est comme Trump. Il croit qu’il sait tout et qu’il n’a besoin de personne. Mais il n’a pas fait d’études supérieures et a confié à d’autres le soin de rédiger son mémoire de fin d’études. Il ne comprend pas le monde. Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, il a réussi à se brouiller avec tous les pays occidentaux et la plupart des pays asiatiques », juge-t-il, sévère.
Autant il considère la « réunification » avec Taïwan comme un objectif légitime, autant il estime peu crédible une intervention militaire chinoise. « Quel que soit le statut de l’île, une partie des eaux du détroit sont et resteront internationales. Une intervention de la marine chinoise bloquerait le trafic des navires japonais et coréens, mais aussi des pays du Moyen-Orient. Par ailleurs, les Américains qui sont présents en Corée du Sud, au Japon et aux Philippines ont les moyens d’intervenir très rapidement ».
Progrès et régression
Malgré tout, déplore-t-il, le risque n’est pas nul, car Xi Jinping veut être « plus grand que Mao et reprendre Taïwan ». Il n’adhère pas à la thèse officielle selon laquelle les Etats-Unis sont un pays en déclin. « C’est plus complexe. Les inégalités sociales et raciales, ainsi que la perte d’une certaine moralité, entraînent les Etats-Unis vers le bas. Ils n’ont plus le pouvoir de créer un consensus international. Mais en termes de richesse, d’armements, de recherche et de développement, les Etats-Unis restent une superpuissance. » D’après lui, le président russe, Vladimir Poutine, a fait une erreur d’analyse en sous-estimant celle-ci. « Après le retrait américain d’Afghanistan, il a cru qu’il pouvait se permettre d’envahir l’Ukraine. Il a tenté sa chance et il a perdu. Des pays neutres comme la Finlande et la Suède vont rejoindre l’OTAN. C’est un revers pour la Russie. »
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