La guerre en Ukraine s’était invitée à la cérémonie des Oscars, en mars 2022, sous la forme d’une minute de silence et d’un communiqué de soutien. On ne sait si des interventions de cette nature auront lieu lors de la 95e cérémonie, qui se tiendra à Los Angeles le 12 mars. Mais la question du financement des films à Hollywood avec de l’argent russe retient déjà l’attention, d’autant qu’elle touche l’une des productions américaines les plus populaires. Avec six nominations, Top Gun : Maverick, qui offre à l’acteur Tom Cruise une suite à l’immense succès des années 1980, figure parmi les favoris des Oscars.
Dans un courrier adressé le 6 mars à l’Académie, Paul Grod, le président de l’Ukrainian World Congress (UWC) – ONG rassemblant les organisations de la diaspora ukrainienne – appelle au rejet des films « avec tout investissement direct ou indirect de la part d’oligarques russes ou d’autres facilitateurs de la guerre génocidaire russe en Ukraine ». Pour cette même raison, l’organisation appelle à la disqualification – totalement improbable, à quelques jours de la cérémonie – du film Top Gun : Maverick. « Contrairement au film d’origine », note Paul Grod, ce dernier ne fait « aucune référence directe ou indirecte à la Russie. Cela peut difficilement être une coïncidence ».
« Influencer les cœurs et les esprits »
En soi, l’absence de mention de la Russie n’est guère un argument convaincant. Le scénario se retient de désigner nommément la puissance ennemie qu’affrontent les pilotes américains. Mais la question de l’argent russe s’inscrit dans un débat existant de longue date dans le milieu de la production américaine. Interrogé par Le Monde, le président de l’UWC appelle Hollywood « à la transparence sur les financements des projets », espérant que des « lanceurs d’alerte se manifesteront au sujet de l’argent russe ». « On a vu comment la Russie a influencé les élections dans les pays démocratiques, comme aux Etats-Unis en 2016, dit-il. Hollywood est une cible importante de la désinformation russe. C’est une plate-forme préférentielle pour influencer les cœurs et les esprits dans le monde. »
Le film Top Gun : Maverick, dont la sortie avait été plusieurs fois retardée, a fini par connaître un succès mondial. Mais la question de son financement demeure un sujet d’investigation. Dans un article du 3 janvier, le Los Angeles Times a détaillé les dessous du contrat de plus de 200 millions de dollars (190 millions d’euros) signé à l’été 2020 par Paramount Pictures avec la société de production New Republic Pictures, portant sur dix films, parmi lesquels Top Gun : Maverick et la saga Mission : Impossible. Cette société devait assumer un quart des coûts, à un moment de crise grave dans le secteur provoquée par la pandémie. Or parmi les investisseurs dans New Republic figurait – pour une participation au montant tenu confidentiel – le milliardaire russe Dmitri Rybolovlev. Selon une plainte déposée à Los Angeles pour rupture de contrat, l’ancien dirigeant de New Republic, Bradley Fischer, Dmitri Rybolovlev aurait choisi de réorienter ses investissements au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine et se serait retiré.
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