Izioum (mot qui signifie « raisin sec » en ukrainien et en russe) est tombée le 2 avril 2022 entre les mains des Russes, au terme d’un mois de combats acharnés et de bombardements quotidiens de l’aviation russe, qui ont détruit 80 % des habitations et tué plusieurs centaines de civils. Cinq mois d’occupation russe et la dispersion d’une grande majorité des habitants empêchent aujourd’hui de comptabiliser précisément le nombre de victimes. Les autorités locales estiment qu’un millier de civils ont été tués à Izioum.
Un pêcheur se sert d’un tronc pour traverser le fleuve Siversky Donets, qui traverse la ville d’Izioum, dans la région de Kharkiv (Ukraine), le 12 septembre 2023. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »
Posée sur la rivière Siversky Donets, la ville formait un verrou dont l’armée russe voulait s’emparer à tout prix pour descendre vers le sud et prendre le Donbass en tenaille. A cause de sa position géographique sur la route reliant Kharkiv à Sloviansk, Izioum avait déjà été le site de batailles cruciales pendant la seconde guerre mondiale, notamment une cuisante défaite soviétique au début de l’été 1942. La « décommunisation » de la ville en 2016, qui a vu la place Lénine se transformer en place John-Lennon, n’a rien changé à son destin tragique.
Izioum fut l’une des rares villes importantes – avec Marioupol et Kherson – à avoir été conquises par l’armée russe au printemps 2022. Comme dans chaque agglomération occupée, des exactions, viols, actes de tortures et exécutions sommaires ont été commis. La libération éclair de la ville durant la contre-offensive de septembre 2022 a donné lieu à des découvertes macabres. Dans une pinède au nord d’Izioum, les tombes de 471 Ukrainiens enterrés pendant l’occupation russe ont été découvertes le 16 septembre 2022 par les autorités, qui ont immédiatement procédé à leur exhumation.
Le 16 septembre 2022, dans la pinède près d’Izioum (Ukraine), quelques jours après la libération de la ville par les forces ukrainiennes, les tombes de 471 Ukrainiens enterrés pendant l’occupation russe ont été découvertes. Les autorités ont ensuite procédé à leurs exhumations. Le 12 septembre 2023. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »
Aujourd’hui, la ville continue de se survivre. Les ponts sur le Siversky Donets n’ont pas été reconstruits, militaires et civils doivent emprunter des pontons de fortune. En l’absence de budget, la mairie pare au plus pressé en rétablissant les services vitaux : eau, gaz, électricité et réparations de fenêtres. Une poignée de restaurants et d’épiceries ont rouvert, mais l’économie locale est toujours à l’arrêt. La guerre continue, la menace russe reste proche : le front se situe à 50 kilomètres de la ville, au-delà de l’Oskil, un affluent du Siversky Donets. Le vacarme venant de l’est, produit par des explosions, retentit encore sourdement mais, désormais, uniquement par temps humide, dans les faubourgs silencieux. Dans le centre-ville, les bruits de la vie urbaine ont repris le dessus.
Durant l’occupation russe, Konstantin Vitaliyovych, 30 ans, a été interrogé à deux reprises et torturé, avant de s’enfuir. A son retour, il a postulé à la fonction de directeur de la gare de bus, « pour que sa fille puisse dire plus tard que c’est son père qui a reconstruit la gare routière ». A Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Un volontaire aide une Ukrainienne devant le centre humanitaire public d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. Ouvert depuis la libération de la ville en septembre 2022, le lieu propose également des services d’aide et d’accompagnement à la personne. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Vêtements posés sur une table destinés aux habitants d’Izioum(Ukraine), le 12 septembre 2023. Quelques temps après la libération de la ville, la municipalité a réduit l’approvisionnement d’aide humanitaire pour inciter les habitants à travailler. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Un camion transporte un véhicule militaire ukrainien dans les environs d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. Chaque jour, de nombreux convois militaires traversent la ville pour se rendre sur le front, situé à une cinquantaine de kilomètres. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Une chambre du service de pédiatrie, dans l’hôpital partiellement détruit d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. Une salle de réanimation et une salle de chirurgie ont été remises en service malgré les destructions, ainsi qu’un service d’IRM, installé dans un conteneur à l’extérieur de l’hôpital. Aujourd’hui, il existe seulement deux dispositifs d’IRM de ce type dans le pays. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Au sous-sol de l’hôpital partiellement détruit d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. Pendant l’occupation russe, les opérations chirurgicales avaient lieu dans l’abri sous-terrain de l’hôpital, qui est encore utilisé en cas d’alerte. L’hôpital emploie la moitié de son effectif d’avant-guerre. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Scène de nuit à Izioum (Ukraine), le 11 septembre 2023. L’éclairage public ne fonctionne plus et certains logements n’ont toujours ni gaz ni eau. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Svetlana, dans l’un des deux restaurants qu’elle a ouverts avec son mari, à Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. Originaire de Kharkiv, le couple a commencé à travailler à Izioum en octobre 2022 et s’est installé en mars 2023. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Des ouvriers ukrainiens rénovent le bâtiment administratif détruit par l’armée russe, dans le centre -ville d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »« Attention, la vie continue », une œuvre réalisée par le street-artiste Gamlet Zinkivsky, originaire de Kharkiv, dans le centre-ville d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Yulia Donchenko, directrice et professeure de l’Académie de musique, construite en 1820, à Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. Avant l’occupation, 210 élèves y étaient inscrits. Aujourd’hui, la moitié étudie à distance. Tous les autres établissements scolaires pratiquent également les cours à distance. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Nathalya, professeure de danse moderne, et une de ses élèves, dans son appartement à Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. De nombreuses activités extrascolaires sont organisées à domicile ou dans des lieux alternatifs remplaçant les établissements détruits par la guerre. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Un bus municipal dans le centre-ville d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Des jeunes Ukrainiens sur la colline Kremenets, à Izioum (Ukraine), le 11 septembre 2023. Pendant l’occupation russe, les habitants tentaient de capter du réseau téléphonique sur les hauteurs de ville. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Des Ukrainiens s’entraînent au football au stade du centre-ville d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. Un an après la libération, la ville se reconstruit lentement et ses habitants y retournent petit à petit. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Le centre-ville d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »Un an après la libération, la vie reprend doucement sur la place du centre-ville d’Izioum (Ukraine), le 12 septembre 2023. Faute de budget, la municipalité a donné la priorité à la reconstruction des infrastructures et des immeubles. RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »
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