« Kemal Kiliçdaroglu est notre candidat à la présidentielle », a déclaré Temel Karamollaoglu, leader du Parti de la félicité, face à une foule rassemblée devant le siège de sa formation à Ankara, où étaient réunis, lundi 6 mars, les dirigeants de six formations.
Kemal Kiliçdaroglu affrontera, à la présidentielle du 14 mai, Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans. Les chefs des cinq autres mouvements de l’alliance, dont M. Kiliçdaroglu (Parti républicain du peuple, CHP, social-démocrate), se trouvaient à ses côtés au moment de l’annonce.
Les élections présidentielle et législatives turques ont été maintenues à la date prévue, malgré le séisme du 6 février qui a fait plus de 45 000 morts et dévasté des zones entières du sud et sud-est du pays.
Kemal Kiliçdaroglu, à la tête du CHP depuis 2010, a promis un retour au jeu démocratique s’il est élu en mai. « Nous établirons tous ensemble le pouvoir de la morale et de la justice », a-t-il déclaré face à la foule, juste après sa désignation.
« Nous, en tant qu’Alliance de la nation, dirigerons la Turquie sur la base de la consultation et du compromis », a-t-il promis. « Nous redonnerons au peuple ce qui a été volé au peuple (…) Je ne suis pas le candidat, le candidat, c’est nous tous », a-t-il lancé devant le siège de son parti, sous les acclamations, entouré des populaires maires CHP d’Istanbul et d’Ankara, respectivement Ekrem Imamoglu et Mansur Yavas.
L’opposition veut ramener la Turquie à un système parlementaire, après le passage au système présidentiel obtenu par M. Erdogan, dans lequel le chef de l’Etat concentre la totalité du pouvoir exécutif. C’est un changement total que l’alliance veut mettre en place en cas de victoire en mai.
Pour Erdogan, le scrutin le plus périlleux depuis 2003
Si M. Kiliçdaroglu est élu, les dirigeants des cinq autres formations de l’alliance seront par ailleurs désignés vice-présidents. L’accord signé par les six parties établit aussi un rôle spécifique pour les populaires maires (CHP) d’Istanbul et d’Ankara : ils seront à leur tour nommés vice-présidents « à un moment jugé opportun » par M. Kilicdaroglu en cas de victoire. Une partie des soutiens de l’opposition reproche toutefois à M. Kiliçdaroglu, ancien haut fonctionnaire âgé de 74 ans issu de la minorité alévie, de manquer de charisme face au chef de l’Etat sortant, candidat à sa succession.
L’alliance avait même manqué d’imploser, vendredi, sur le choix de M. Kiliçdaroglu : Meral Aksener, la présidente du Bon Parti (nationaliste), deuxième plus importante formation de la coalition, s’était alors opposée avec véhémence à sa désignation, avant de reprendre sa place à la table de l’alliance lundi. La promesse de désigner les maires d’Istanbul et d’Ankara comme des éventuels futurs vice-présidents a joué un rôle clé pour son retour.
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M. Erdogan, dont la popularité a souffert de la crise économique que traverse la Turquie, devra répondre de la lenteur des secours dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre du 6 février. Des manquements que M. Kiliçdaroglu n’a pas manqué de relever, dénonçant « l’incompétence » et la corruption à la tête du pays.
Tout en demandant pardon pour les retards dans l’arrivée des secours, le président turc, âgé de 69 ans, a fait de la reconstruction des zones dévastées sa ligne directrice. Selon les sondages, la présidentielle du 14 mai s’annonce comme son scrutin le plus périlleux depuis 2003, année de son arrivée au pouvoir en tant que premier ministre.
Le parti prokurde HDP veut « se débarrasser de ce gouvernement »
M. Erdogan et son mouvement, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), ont déjà vu leur échapper, en 2019, les municipalités d’Istanbul et d’Ankara au profit du CHP, un revers cinglant.
Quant à la formation de gauche prokurde HDP, elle pourrait aussi désormais appeler à soutenir M. Kiliçdaroglu afin de « se débarrasser de ce gouvernement », a déclaré, lundi soir, sur la chaîne de télévision Habertürk son coprésident Mithat Sancar. Le HDP, troisième formation au Parlement turc, avait réuni 12 % des suffrages aux dernières législatives. Le HDP a jusque-là été maintenu à l’écart de l’alliance de l’opposition du fait du Bon Parti, dont la ligne est incompatible avec celle de la formation de gauche prokurde.
Il reste désormais moins de dix semaines à l’opposition pour imposer son programme et faire campagne à travers le pays. Le séisme d’une magnitude de 7,8 du 6 février, qui a dévasté onze des 81 provinces turques, pose cependant d’importants problèmes logistiques, 3,3 millions de personnes ayant dû quitter les zones sinistrées.