Ils sont concentrés, les regards fixés sur leurs écrans de téléphone ou d’ordinateur posés, là, devant eux. Des jeunes surtout, plusieurs dizaines par salle, assis les uns à côté des autres, autour de longues tables blanches de travail. Aux murs, les quelques portraits du candidat de la coalition d’opposition Kemal Kiliçdaroglu, chef de file du Parti républicain du peuple (CHP) et principal adversaire, dimanche 14 mai, du président sortant, Recep Tayyip Erdogan, peinent à éliminer l’atmosphère de start-up aseptisée qui se dégage du bâtiment.
Bienvenue chez les « Volontaires de Turquie » (Türkiye Gönüllüleri), un collectif dont les bases ont été fondées à Istanbul pendant les élections municipales tumultueuses de 2019, annulées une première fois en mars par le Haut Conseil électoral (YSK) et très largement remportées trois mois plus tard par l’opposition. Ici, dans cet immeuble du quartier de Besiktas, prêté par le CHP, ils sont près de 250 bénévoles à se relayer chaque jour. Leur mission consiste à mobiliser et former les observateurs des bureaux de vote, ces dizaines de milliers de personnes qui s’apprêtent à passer la journée de dimanche à surveiller les urnes et le bon déroulement du scrutin.
« Nous avons reçu 100 000 candidatures sur notre plate-forme en ligne, que nous avons vérifiées, explique Esra Akal, qui planche sur ces élections depuis six mois. Puis nous avons formé ces bénévoles et nous les avons déployés selon les arrondissements dans les 57 000 écoles et bureaux de vote que compte le pays. » Assise au dernier étage, la quadragénaire au sourire facile est étonnamment calme, et se dit même plutôt sereine, malgré l’imminence du vote. « A quelques heures du scrutin, il nous manque encore quelques personnes en Anatolie centrale, dans la région de la mer Noire et dans le sud-est du pays, mais presque toutes les villes importantes sont entièrement couvertes, soit plus de 65 % des données à intégrer. »
Esra Akal rappelle qu’en plus des dizaines de milliers d’observateurs déployés par les partis politiques, il y a aussi l’association indépendante Oy ve Ötesi (« le vote et au-delà »), créée en 2014 et revendiquant aujourd’hui 67 000 volontaires. Soit une personne pour la quasi-totalité de chacune des 192 191 urnes installées à travers tout le pays. « Dimanche soir, insiste-t-elle, nous ne serons pas les seuls à récupérer les résultats, chaque formation aura sa copie. Une fois les bulletins d’une urne comptés et vérifiés, les volontaires envoient la photo du décompte sur notre plate-forme, une par une, bureau de vote par bureau de vote. L’important est que chaque résultat coïncide avec les résultats des autres observateurs. La méthode a été utilisée en 2019, c’est un système relativement simple et éprouvé. »
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