« Nous étions seuls » : face à Hitler, la France abandonnée selon Gérard Araud

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Livre. Le « syndrome de quarante », comme l’a appelé l’historien Robert Frank évoquant la déroute française face aux armées nazies, continue de hanter l’imaginaire national. Cet effondrement fut d’autant plus traumatisant qu’à peine vingt-deux ans plus tôt, la France victorieuse aux côtés de ses alliés britannique et américain semblait être la première puissance militaire d’Europe, voire du monde. Elle ne s’en est jamais vraiment remise. « La certitude d’appartenir à un grand peuple ne va plus de soi », écrit l’ancien diplomate Gérard Araud, reconnaissant « avoir attribué notre combativité parfois hargneuse dans les débats internationaux et notre assertivité quelques fois vaniteuse à l’incertitude que nous nourrissons depuis lors au fond de nous-mêmes sur notre statut de grande puissance ».

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Ces années de l’entre-deux-guerres où se noua la tragédie française ont déjà été très largement traitées par les historiens. L’ouvrage alerte Nous étions seuls. Une histoire diplomatique de la France 1919-1939 apporte néanmoins un regard nouveau, en premier lieu sur le traité de Versailles, largement considéré par toute une historiographie, notamment anglo-saxonne, comme l’exemple d’une paix ratée qui, en humiliant l’Allemagne, fut le terreau de la montée du nazisme. Gérard Araud, citant notamment Raymond Aron, estime au contraire que le texte de Versailles fut le moins mauvais possible compte tenu du contexte, car « il redressait des torts séculaires, rendait la liberté aux petites nations de l’Est et du Sud-Est, et il réduisait le nombre d’hommes contraints d’obéir à des maîtres étrangers ».

Leçons à méditer

Ce traité fut finalement un compromis entre l’idéalisme du président américain Woodrow Wilson, qui voulait rendre impossible toute nouvelle guerre, le réalisme étriqué du Britannique Lloyd George et la quête obsessionnelle de Georges Clemenceau en faveur de garanties de sécurité pour la France. Si toutes les parties avaient respecté leurs engagements, cette paix aurait pu tenir, d’autant qu’aujourd’hui nombre d’économistes reconnaissent que les réparations imposées à l’Allemagne étaient soutenables. Mais ses principaux maîtres d’œuvre, à commencer par Wilson qui ne réussit pas à faire ratifier l’accord à Washington, se retirèrent du jeu. Londres, que Paris considérait comme son seul allié, était de plus en plus ambigu, misant sur une politique d’apaisement vis-à-vis de Berlin alors même que l’Allemagne préparait sa revanche.

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Au moment de vérité, en 1939, la France était donc seule. Encore aujourd’hui, l’aveuglement des autorités de l’époque paraît sidérant. Une ferme réaction de Paris et le déploiement de ses troupes auraient ainsi pu arrêter Hitler quand il réoccupa la Rhénanie en 1936. Cela aurait probablement précipité sa chute. Mais la France était tétanisée, encore sous le choc de l’immense carnage de 14-18. « Aucun belligérant occidental n’a subi à ce point la guerre sur son sol, dans sa chair et dans son patrimoine », rappelle Gérard Araud, évoquant un pays exsangue, hanté par la mémoire de ses morts face à une Allemagne toujours plus agressive. Des leçons à méditer pour aujourd’hui alors que revient la guerre en Europe.

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