« Les Africains ont des raisons légitimes de réclamer plus d’espace dans les institutions internationales »

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Manifestement, voilà un sujet sur lequel tout le monde tombe d’accord. Avec cinquante-quatre pays et près de 1,4 milliard d’habitants, l’Afrique doit faire davantage entendre sa voix dans la gouvernance politique et économique mondiale. En visite au Kenya début mai, le chancelier allemand, Olaf Scholz, s’en est fait le héraut : l’Allemagne « soutient les efforts » visant à obtenir des sièges permanents pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU et une intégration de l’Union africaine (UA) au G20, a-t-il insisté.

Le dirigeant est loin d’être le premier à entonner ce refrain. Encore récemment, des personnalités aussi opposées que le président américain, Joe Biden, et le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, se sont prononcées en faveur d’une entrée de l’UA au G20. Seule l’Afrique du Sud représente aujourd’hui le continent au sein de ce groupe rassemblant les principales économies de la planète. Tout le monde est d’accord, donc, ce qui n’empêche pas le sujet d’être sur la table depuis déjà bien longtemps.

Au moins cette adhésion semble-t-elle désormais à portée de main. Rien de tel au Conseil de sécurité. L’idée d’un membre permanent africain a beau être portée par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et sa pertinence validée par plusieurs pays occidentaux, les dissensions entre grandes puissances, la difficulté de s’entendre sur un candidat africain et la volonté d’autres nations émergentes, en Asie ou en Amérique, de rejoindre l’organe suprême paralysent toute réforme.

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L’Afrique n’est pas absente des instances multilatérales. Elle se retrouve même souvent au cœur des débats : principale destinataire des missions onusiennes de maintien de la paix ; première bénéficiaire des plans de sauvetage du Fonds monétaire international, une institution où ses pays détiennent seulement 6,5 % des droits de vote… Sans parler du sujet des dettes africaines et de leur restructuration, qui, depuis des mois, occupe les membres du G20.

Rôle de spectateur

Le continent supporte mal d’être cantonné au rôle de spectateur de ses propres affaires. Une impression que peine à dissiper la présence de certains de ses « émissaires » à la tête de grosses institutions, comme l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus à l’Organisation mondiale de la santé, et la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala à l’Organisation mondiale du commerce.

Certes, le poids économique de l’Afrique peut sembler encore modeste. Son produit intérieur brut dépasse à peine celui de la France. Mais cette région est la plus jeune du monde et elle sera le moteur de la croissance démographique planétaire au cours des prochaines décennies. Elle est aussi le terrain d’une bataille d’influence entre les Etats-Unis, la Chine et d’autres nations industrialisées, alors que ses minerais pourraient jouer un rôle crucial dans la transition énergétique.

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Les Africains ont des raisons légitimes de réclamer plus d’espace dans les institutions internationales. Et de s’agacer, pour certains, d’être traités à la façon d’un gros tout indifférencié et non d’un continent aux trajectoires diverses. Le président du Kenya, William Ruto, l’a exprimé à sa façon lors d’un événement de la Fondation Mo Ibrahim, organisé fin avril, à Nairobi, et consacré à la place de l’Afrique dans le monde : « Il n’est pas intelligent que cinquante-quatre présidents africains aillent s’asseoir devant un président d’un autre pays pour un sommet », s’est plaint le dirigeant, en référence aux multiples raouts Chine-Afrique, Turquie-Afrique ou Afrique-France.

Si le système multilatéral issu des accords de Bretton Woods échoue à lui donner plus de poids, le continent sera fondé à tenter de peser à travers d’autres forums, parfois conçus comme des contrepoids à l’Occident. Celui des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) par exemple, ce club de nations émergentes que plusieurs pays africains souhaiteraient rejoindre, selon l’Afrique du Sud, qui le préside cette année. Plus généralement, prévient le professeur d’études africaines Tim Murithi dans la dernière édition de Foreign Affairs, « jusqu’à ce que leurs intérêts et leurs préoccupations soient pris au sérieux, les gouvernements africains continueront à poursuivre une stratégie de non-alignement ».

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