L’avancée inexorable du programme nucléaire iranien embarrasse les Occidentaux

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Après l’invasion russe en Ukraine, les alliés occidentaux sont confrontés à un autre test de crédibilité sécuritaire et diplomatique : le nucléaire iranien. Depuis l’arrêt complet en septembre 2022 des tentatives de rétablissement de l’accord JCPoA de 2015 (pour Joint Comprehensive Plan of Action – « plan d’action global conjoint ») qui vise à garantir le caractère civil du programme nucléaire de l’Iran, signé en 2015, les pays européens de l’E3 (France, Allemagne, Royaume-Uni) et les Etats-Unis semblent saisis d’effroi. Reconnaître publiquement la fin du JCPoA et l’impasse diplomatique signifierait l’entrée dans l’inconnu et un risque d’escalade, entre sanctions économiques redoublées et possibles opérations militaires. Mais pendant cette suspension, qui s’étire depuis des mois, l’Iran a encore augmenté le cran des infractions multiples à ses engagements, au titre du JCPoA.

En se rendant à Téhéran vendredi 3 mars, le directeur de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a tenté de préserver un fil de discussion avec le régime pour rétablir un contrôle de ses activités. Samedi, il a rencontré pour la première fois le président Ebrahim Raïssi, un indice en soi positif. « On fait des pas dans la bonne direction », a noté le directeur de l’AIEA samedi, de retour à Vienne. L’information ne figure pas en toutes lettres dans le communiqué commun, mais a été donnée par M. Grossi : Téhéran aurait accepté le rétablissement des caméras enregistrant les activités nucléaires, débranchées par sa volonté, ainsi qu’un accès aux lieux refusés depuis février 2021, comme les sites de production d’eau lourde ou de centrifugeuses. Mais dans ce dossier, les Occidentaux ont l’habitude du décalage entre les promesses et leur mise en œuvre.

Autre engagement notoire, selon le directeur, qui devra être précisé lors d’une réunion prochaine entre experts à Téhéran : les Iraniens auraient accepté « 50 % d’inspections en plus » sur le site stratégique de Fordo. C’est là qu’ont été découvertes des traces d’uranium enrichi à 83,7 %, soit juste en dessous de la barre fatidique de 90 %, nécessaire pour la production d’une bombe. Enfoui dans une montagne près de Qom, le site a longtemps été clandestin, avant la révélation de son existence en 2009. En novembre 2022, l’Iran y a repris l’enrichissement à 60 %, alors que le JCPoA ne permettait pas le dépassement d’un seuil de 3.67 %.

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Le régime assure que ces traces à 83,7 % relèvent d’un épisode ponctuel et accidentel. « On ne juge pas les intentions », a dit M.Grossi, qui souligne l’absence d’accumulation d’uranium à ce niveau. Les Occidentaux hésitent entre plusieurs hypothèses, n’excluant pas une forme de test iranien de leur détermination. « Il est hautement improbable que cela soit le résultat d’un accident, d’un changement de configuration des centrifugeuses, explique Kelsey Davenport, de l’Association de contrôle des armements (Arms Control Association), l’une des meilleures expertes du nucléaire iranien. Peut-être que les Iraniens réalisaient une expérimentation, ou bien qu’ils voulaient évaluer notre réponse éventuelle à un tel niveau d’enrichissement. Dans toutes les hypothèses, Téhéran doit clairement comprendre que c’est totalement inacceptable. »

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