L’armée française s’exerce à la guerre de haute intensité

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Prudemment, un char Leclerc avance dans une rue étroite. Sa mission : reprendre le centre-ville de Jeoffrécourt (Aisne), où des soldats ennemis se terrent depuis plusieurs jours. Mais à peine arrivé sur la place de la mairie, le blindé le plus puissant de l’armée française est pris pour cible par un char ennemi, bien caché sous un porche ; en quelques minutes, l’AMX-30 détruit deux Leclerc et un véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) qui les accompagnait. « Les gars se sont un peu précipités, ils auraient dû tirer des fumigènes pour cacher leur progression ou envoyer des éclaireurs », tance un instructeur chargé d’arbitrer ces duels menés avec des obus à blanc, rappelant qu’« en zone urbaine, c’est celui qui appuie le plus vite sur le bouton qui gagne ».

Les chars Leclerc du 12e régiment de cuirassiers de l’armée française participent aux grandes manœuvres interarmées Hemex-Orion dans le camp de Mailly (Aube), le 22 avril 2023.

Lancé en février par l’armée française, l’exercice « Orion » est entré à la mi-avril dans sa phase terrestre la plus intense. Durant trois semaines, quelque 12 000 hommes, dont 9 000 combattants, appuyés par 2 600 véhicules parmi lesquels 400 blindés, se sont affrontés dans les plaines du Grand Est, de Besançon à Amiens, sur une zone de 400 km sur 250 km.

« Il s’agit du plus important exercice militaire mené par la France depuis trente ans, assure le général Emmanuel Gaulin, commandant du corps de réaction rapide-France, à qui la manœuvre a été confiée. Notre objectif, c’est de montrer que nous sommes une nation qui a la capacité de s’opposer à un adversaire à parité dans une opération de haute intensité. » La fin de l’exercice est prévue vendredi 5 mai.

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Même si les militaires s’en défendent, rappelant que la planification d’« Orion » a débuté en 2021, le scénario de l’exercice n’est pas sans rappeler la guerre en cours en Ukraine : appelées au secours par un Etat nommé « Arnland », qui vient d’être envahi par son voisin « Mercure », les forces françaises, alliées à des Britanniques, des Belges, des Américains, des Espagnols et des Grecs, doivent stopper la progression des troupes de l’ennemi et lui infliger des pertes telles qu’il n’ait pas d’autre choix que de négocier.

Si une partie des opérations sont simulées par ordinateur, c’est la première fois depuis l’exercice Keker Spatz, mené en 1987, que des manœuvres ont lieu en terrain ouvert, c’est-à-dire au milieu des civils, hors des camps habituels d’entraînement.

Une militaire a revêtu une combinaison de protection contre des armes chimiques, près d’une tour de contrôle installée sur le camp de Sissonne (Aisne), le 22 avril 2023. Les soldats doivent être prêts à toutes sortes d’attaques, y compris non conventionnelles et utilisant des armes proscrites par les armées occidentales.

Coller à la réalité stratégique du moment

Même si les pertes étaient évidemment virtuelles – toutes les troupes tiraient avec des munitions d’entraînement et étaient équipées de balises pour savoir si elles étaient touchées –, certains affrontements ont été violents et l’ennemi mercurien a mené la vie dure aux forces alliées. Contrairement aux exercices habituels des troupes françaises, les événements n’étaient pas prédéterminés dans « Orion » et la force adverse pouvait prendre des initiatives. « Cela a ajouté de l’incertitude car personne ne connaissait à l’avance la manœuvre de l’autre. Tout le monde a été obligé de travailler », apprécie le général Thierry Prunière, qui dirigeait la « Forad » (force adverse en langage militaire).

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