« La vraie crise du régime aura lieu à la mort d’Ali Khamenei »

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Ahmad Salamatian, ancien vice-ministre des affaires étrangères iranien, âgé de 79 ans, vit en exil à Paris. Il décrit un régime islamique à bout de souffle et exprime sa crainte que cette situation ne profite aux militaires.

Selon vous, dans quel état se trouve le régime iranien, un an après le 16 septembre 2022 ?

Ce qui caractérise le plus le régime iranien sous Ali Khamenei (le Guide suprême et la plus haute autorité du pays) est la personnalisation du régime, la fusion d’un système en une personne. Le bureau de [Ruhollah] Khomeyni [le fondateur de la République islamique, décédé en 1989], même à la fin de son règne, fonctionnait avec 17 personnes autour de son fils, alors que celui de Khamenei est une administration qui compte aujourd’hui plus de 2 700 personnes, dont 900 gardes du corps. Elle intervient partout et couvre tous les problèmes du pays. C’est un homme de 84 ans, usé par un cancer et par des années de pouvoir. Cette personnalisation affaiblit considérablement les organes politiques de la République islamique.

Depuis la mort de Mahsa Amini, ce pouvoir vieillissant, archaïque et individualisé, caduc par rapport à l’évolution de société, s’est vidé de plus en plus de son sens. Le destin de Khamenei, à mon sens, ressemblera plus à celui de Haïlé Sélassié [ancien dictateur éthiopien] qui détenait tout le pouvoir et qui a été neutralisé par ses propres militaires, qu’à celui de Mouammar Kadhafi, tué par les rebelles, ou à celui de Saddam Hussein, exécuté après une intervention militaire étrangère.

Quel est l’état de l’opposition au régime iranien à l’étranger ?

D’une manière générale, ce qui se passe en Iran est issu d’évolutions intérieures qui ont lieu depuis des décennies, surtout depuis la révolution en 1979. En Iran, les murs du harem [symbole de l’enfermement des femmes], socle de la société iranienne en tant que société musulmane, se sont effondrés. Voilà pourquoi les Iraniens vivant en Iran ne se projettent absolument pas sur les Iraniens de l’étranger. Les éléments les plus dynamiques de la société iranienne ne se laisseront pas charmer par les figures de la diaspora que nous avons vu émerger ces derniers mois. Si l’on regarde l’histoire moderne, les diasporas ont à chaque fois été obligées de céder la place à des gens de l’intérieur. Et l’histoire iranienne n’échappe pas à cette règle.

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Pourquoi cette obsession pour le voile ?

S’il avait été confronté à la crise du hijab, l’ayatollah Khomeini aurait été capable, pour sauver le pouvoir islamique, de décréter que le port de celui-ci, de manière stricte, n’est plus nécessaire. En 1984, il avait déclaré que le maintien de la République islamique était plus important que les obligations religieuses comme la prière, le pèlerinage et le jeûne. Ali Khamenei, lui, n’a pas la légitimité religieuse pour prendre de telle décision. Les raisons pour lesquels il n’a pas réagi à la crise du hijab ne sont pas seulement sécuritaires.

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