Jusqu’où l’obstination helvétique à ne pas aider « militairement » Kiev, même de manière indirecte, ira-t-elle ? Depuis le début de la guerre, la Suisse irrite ses partenaires européens en leur interdisant de transférer à l’armée ukrainienne des munitions qu’elle leur a vendues. L’Allemagne (à deux reprises), l’Espagne et le Danemark ont fait les frais de cette inflexibilité. Une nouvelle étape de la stratégie de non-coopération de la Confédération helvétique a été franchie dimanche 12 mars, avec la découverte, par le journal dominical NZZ am Sonntag, de la mise au rebut par l’armée suisse de tout un arsenal certes un peu daté, mais encore utilisable et performant.
Celle-ci va se débarrasser prochainement de 60 systèmes de défense sol-air « Rapier » (en français rapière, épée longue et fine), une batterie antiaérienne développée par British Aircraft Corporation dans les années 1960 pour le compte de l’armée britannique et de la Royal Air Force. Entré en service en 1971, le Rapier a servi sur le front pour la première fois au cours de la guerre des Malouines. Berne en avait acquis 60 unités en 1980 (1,7 milliard de francs suisses de l’époque), modernisées à plusieurs reprises jusqu’à récemment, avant d’être déclassées et déclarées inaptes au service à la fin de l’année dernière. « Une première tranche du système d’armes Rapier a déjà été démontée. Trois autres suivront », confirme Kaj-Gunnar Sievert, porte-parole d’Armasuisse, l’office fédéral de l’armement du ministère de la défense à Berne.
« Ces missiles sont certes vieux, mais ils ne sont pas non plus complètement obsolètes », explique Peter Schneider, ancien directeur de la Revue militaire suisse, en rappelant que les Britanniques ont protégé les Jeux olympiques de Londres en 2012 avec des batteries Rapier. « Elles pourraient donc très bien être utilisées encore aujourd’hui contre des cibles volantes profondes telles que les drones et des hélicoptères, et même des avions de combat. » Elles ne serviront pourtant jamais à protéger le ciel ukrainien, ce qui provoque la consternation de plusieurs députés suisses. « Il est absurde que nous mettions au rebut des armes de défense qui fonctionnent encore en Suisse », explique le conseiller national vert-libéral François Pointet, selon qui le Rapier, arme de fabrication britannique et non pas helvétique, échappe à la loi sur l’interdiction de l’exportation de matériel militaire suisse vers des zones de conflit.
Emotion
Selon une règle fixée par le gouvernement lui-même en 2006, les systèmes étrangers dont l’armée n’a plus besoin doivent être revendus en priorité au pays producteur, « sans conditions ». Autrement dit, la Suisse ne serait pas en mesure d’exiger l’interdiction de la réexportation comme elle le fait depuis une année, par exemple pour les munitions des chars Gepard allemands. Alors, pourquoi ne pas avoir suggéré à Londres de reprendre ce matériel ?
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