La Suède face au fléau scolaire des « notes du bonheur »

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LETTRE DE MALMÖ

L’année scolaire se termine et les jeunes Suédois vont bientôt recevoir leur bulletin. Pour les élèves de 9e (dernière année de collège) et de 3e (l’équivalent de la terminale), les notes détermineront dans quel lycée ou quelle université ils étudieront l’an prochain. Mais que valent ces notes ? Sont-elles le reflet du niveau de l’élève, ou ont-elles été gonflées par les enseignants ou le principal, afin d’enjoliver les résultats de l’établissement ?

En Suède, on appelle cela les « glädjebetyg » – les « notes du bonheur ». Si le phénomène n’est pas récent, il a pris une telle ampleur ces dernières années que le recteur de l’Ecole de commerce de Stockholm, un des établissements d’enseignement supérieur les plus prestigieux de la capitale suédoise, a tapé du poing sur la table, le 11 mai. Dans une tribune au vitriol publiée dans le quotidien Dagens Nyheter, Lars Strannegard menace, si rien ne change, d’instaurer un concours à l’entrée de son école.

Il dénonce des notes « transformées en une sorte de marchandise, des leurres dans le but d’attirer de futurs étudiants », et estime qu’il est impossible désormais d’être sûr que « ce sont les bons étudiants qui entrent dans les universités les plus recherchées après avoir terminé leurs études secondaires supérieures ». Pour Lars Strannegard, « les piliers mêmes du modèle social suédois » que sont « la méritocratie, l’égalité et la confiance » sont en danger, et à terme, « la démocratie ».

Pressions des élèves et de leurs parents

Ce gigantesque coup de gueule a d’autant plus fait sensation en Suède que le recteur cite plusieurs établissements soupçonnés de gonfler les notes, parmi lesquels se trouvent les lycées fréquentés par la progéniture de la fine fleur de la société suédoise. Exemple : Campus Manilla, dans le quartier de Djurgarden, à Stockholm, où sont scolarisés les deux enfants de la princesse héritière Victoria.

En mars, l’Inspection scolaire avait critiqué l’école privée, gérée par une fondation, après avoir constaté des divergences importantes entre les notes finales des élèves et leurs résultats à l’examen national, censé évaluer leur niveau dans cinq matières principales. Des enseignants avaient admis avoir reçu des pressions de la part des élèves et de leurs parents pour changer les notes. Deux mois plus tard, l’école se retrouvait au cœur d’un nouveau scandale, alors qu’un cinquième des élèves de ses classes de lycée étaient soupçonnés d’avoir régulièrement triché aux examens.

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Mais Campus Manilla est loin d’être le seul établissement mis en cause. Selon la chaîne SVT, l’Inspection scolaire a examiné trente lycées publics et privés ces derniers mois. Or aucun n’a été capable de démontrer qu’il avait pris des mesures adéquates pour éviter les « notes du bonheur ». Même chose pour l’Etat, dont les diverses initiatives dans ce domaine n’ont eu aucun impact, selon un rapport de la direction nationale du contrôle de la gestion publique, datant du mois d’octobre.

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