La réforme des retraites vue d’Europe : « En Allemagne, la retraite à 67 ans n’est plus guère remise en question »

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En Allemagne, on observe les différentes manifestations qui ont lieu en France à propos des retraites avec un mélange d’incompréhension et d’admiration. Alors que d’un côté, on ne comprend pas vraiment la complexité du système français des retraites ni les protestations contre les réformes, on ne manque pas, d’un autre côté, en particulier celui de la gauche allemande, de regarder avec admiration les succès de la mobilisation. Plus de 2 millions de personnes dans les rues dans toute la France, plusieurs centaines de milliers rien qu’à Paris, ces chiffres font rêver le parti de gauche, die Linke. Surtout si l’on considère que le Deutsche Gewerkschaftsbund, la confédération allemande des syndicats, compte 6 millions d’adhérents, que le mouvement syndical n’est pas divisé par des querelles, et qu’il est de surcroît solidement implanté dans les grandes entreprises.

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Pourtant, en 2007, lorsqu’ils ont appelé à la mobilisation contre le report de l’âge de la retraite à 67 ans, seules 300 000 personnes ont suivi le mouvement sur l’ensemble du territoire. Le ministre du travail de l’époque, Franz Müntefering, n’a pas eu de mal à discréditer les réfractaires en parlant de « myopie » et a pu ainsi très largement les ignorer. Les oppositions se sont arrêtées relativement vite et, aujourd’hui, la retraite à 67 ans n’est plus guère remise en question par les syndicats.

A l’inverse, en France, les protestations sur les retraites reposent sur une longue tradition qui a engrangé des succès. Depuis 1990, on ne compte pas moins de huit paquets de réformes qui ont conduit à des réductions de prestations, à des allongements de la durée de cotisation et au relèvement de l’âge de départ. Mais les réformes prévues initialement étaient plus ambitieuses, et les mouvements de contestation en ont chaque fois atténué la portée ou les ont mêmes été tenues en échec, comme en 1995. Les manifestations et les grèves ont toujours été soutenues par la majorité de la population. Un rêve pour les syndicats allemands, alors que ces types de mouvement sont ressentis outre-Rhin comme une perturbation malvenue de la vie publique et ne jouissent pas d’un fort taux d’adhésion.

Pouvoir d’achat et coûts salariaux

Comment expliquer ces différences de réaction sur la question des retraites sans recourir au cliché des Français révolutionnaires et des Allemands obtus ?

L’une des clés relève de la différence de vision politico-économique qui fait considérer les retraites soit comme un facteur de demande, soit comme un facteur de coût. Après la seconde guerre mondiale, les salaires et les retraites ont joué en France un rôle prépondérant dans le développement de l’économie, formant un cercle vertueux où se combinaient consommation intérieure et créations d’emplois. On considérait les dépenses sociales, dont les retraites, comme des facteurs de demande et de régulation du développement économique. Même si le système économique français a connu d’importantes transformations depuis les années 1970, la retraite est encore perçue comme telle.

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