« La Colère et l’oubli », d’Hugo Micheron : comment le djihadisme s’est enraciné dans nos sociétés occidentales

0
14

Livre. Commençons par la fin, puisque c’est elle qui nous concerne au premier chef ! Qu’en est-il du djihadisme après la chute du pseudo-califat de l’organisation Etat islamique (EI) ? « La destruction de l’entité territoriale de Daech ne règle pas la question du djihadisme européen. Elle amorce une nouvelle période de marée basse qui replace la question de son avenir au cœur du débat politique et sociétal et que la baisse du nombre des attentats ne doit pas dissimuler », écrit le chercheur en science politique Hugo Micheron, en conclusion de son ouvrage La Colère et l’oubli (Gallimard, 400 pages, 24 euros), consacré à l’histoire du djihadisme européen. Or, il y a fort à craindre que les démocraties européennes, comme à leur habitude, pratiquent la politique de la colère puis de l’oubli, sans tirer de conséquences à long terme, autres que sécuritaires, de la vague d’attentats qu’elles viennent de subir.

Selon Hugo Micheron, le djihadisme fonctionne par vagues dont l’amplitude ne cesse de croître. Les tensions s’accumulent et débouchent sur une confrontation violente qui, une fois réprimée, cède la place à une phase de repli et de recomposition. L’expérience prouve que les phases de « marée basse » sont au moins aussi importantes que celles de confrontation. Ce sont lors de celles-ci que les discours se reformulent, que de nouveaux objectifs sont définis et de nouvelles stratégies testées et mûries. C’est aussi à « marée basse » que les réseaux de recrutement se reconfigurent, se tournent vers de nouveaux publics, testent les failles de sociétés honnies. Or, c’est précisément à ces moments-là que l’attention se relâche et que le regard se détourne.

Le djihadisme n’existait pas en Europe il y a moins de trente ans. Depuis, cette idéologie politico-religieuse radicale est devenue un acteur majeur de la vie politique et démocratique européenne, par les réactions qu’elle entraîne et les effets induits de ses actions. Elle s’est enracinée au point de devenir un phénomène social, et non pas seulement sécuritaire et terroriste. Il y a désormais des familles, des quartiers entiers marqués par l’empreinte du salafo-djihadisme.

Accalmies et nouvelles vagues

La première vague du djihad européen a suivi presque immédiatement la chute de l’URSS, dans la foulée de la défaite soviétique en Afghanistan. Elle a également été nourrie par la guerre civile en Algérie (1991-2002), qui a essaimé des combattants dans plusieurs capitales européennes mais aussi « contaminé » une frange très minoritaire de la diaspora algérienne. Cette vague, qui a enflé pendant la première partie des années 1990, s’est manifestée violemment en France par des attentats, ainsi qu’en Bosnie lors des guerres d’ex-Yougoslavie. Ailleurs, au Royaume-Uni et en Belgique, les bases idéologiques et logistiques du mouvement étaient posées. C’était le temps des « vétérans ».

Il vous reste 44.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici