De sa résidence de Zaman Park à Lahore (Pakistan), cernée par la police qui l’accuse d’abriter des « terroristes », Imran Khan a accordé un entretien au Monde, par vidéo. L’ancien premier ministre a été arrêté le 9 mai au sein d’un tribunal, placé en détention, puis libéré deux jours plus tard par la Cour suprême qualifiant son interpellation d’« illégale ».
Son arrestation a soulevé un mouvement de colère dans tout le pays. De nombreux édifices publics et militaires ont été incendiés ou saccagés. Le chef de l’armée, le général Munir, menace de traduire ceux qui ont participé aux destructions devant des tribunaux militaires.
Quelle est la situation autour de votre maison à Lahore ?
Elle est encerclée par la police. Il y a des points de contrôle. La route principale qui dessert mon domicile est toujours fermée. J’ai vraiment l’impression de vivre ici comme un prisonnier.
Dans un message adressé aux Pakistanais, vous évoquez un « désastre imminent pour le pays ». Que craignez-vous, un coup d’Etat militaire, une guerre civile ?
Je ne crains pas la guerre civile, pas pour l’instant. Ce que je crains, c’est que nos institutions démocratiques soient démantelées. Les ordres de la Cour suprême ne sont pas respectés par le gouvernement. Des élections devaient avoir lieu à l’assemblée provinciale au Pendjab, qui représente presque 60 % du Pakistan. Conformément à la Constitution, la Cour suprême a ordonné qu’elles se tiennent le 15 mai, mais le gouvernement fédéral a refusé. La loi de la jungle, la loi du plus fort l’emporte désormais sur la Constitution dans notre pays.
Avez-vous peur d’être à nouveau arrêté et déféré, cette fois, devant un tribunal militaire ?
Si des tribunaux militaires sont mis en place, cela signifie que le pays est sous le coup de la loi martiale car aucune législation n’autorise les tribunaux militaires à juger des civils. Je ne sais pas si cette hypothèse se produira, mais ce qui est sûr c’est que notre système démocratique, notre Constitution, tout est en train d’être liquidé.
Vous avez été évincé du pouvoir en avril 2022, après un vote de défiance au Parlement, une procédure tout à fait légale. Pourquoi avez-vous choisi de mobiliser la rue au lieu d’attendre les élections d’octobre 2023 ?
C’était une conspiration, alors que mon gouvernement avait été le plus performant de l’histoire. Malgré les deux années de Covid-19, nous avons enregistré un taux de croissance de 6,5 % au cours de la dernière année. Notre croissance industrielle était à son apogée, notre agriculture en pleine expansion et pour la première fois, nos exportations de technologies de l’information étaient en hausse.
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