Prévue samedi 4 mars, l’audition du chef de gare mis en cause pour avoir commis une erreur fatale, qui a conduit à la catastrophe ferroviaire ayant fait 57 morts cette semaine en Grèce, a été reportée de vingt-quatre heures, a fait savoir son avocat, Stefanos Pantzartsidis, à l’Agence France-Presse.
Le juge d’instruction de Larissa, ville la plus proche du lieu de l’accident, devra décider à l’issue de cette audition s’il inculpe d’« homicide involontaire par négligence » cet homme de 59 ans, qui a reconnu sa responsabilité dans le drame de mardi soir.
L’homme, dont l’identité n’a pas été révélée, n’avait reçu qu’une formation de quarante jours pour devenir chef de gare. Mais selon une source judiciaire, l’enquête vise aussi « à engager des poursuites pénales, si nécessaires, contre des membres de la direction de l’entreprise » Hellenic Train, les chemins de fer grecs.
Selon le quotidien Kathimerini, la justice cherche à comprendre comment un chef de gare inexpérimenté s’est retrouvé, seul, sans personne pour le superviser, à la gare de Larissa pendant quatre jours alors que le trafic ferroviaire sur cette ligne était intense en raison de ce long week-end lié à un jour férié orthodoxe.
Une perquisition a d’ailleurs été menée vendredi dans la gare de Larissa. Le gouvernement a également décidé de charger un comité d’experts d’enquêter sur les causes de l’accident pour comprendre pourquoi un train transportant 342 passagers et dix cheminots a pu être autorisé à emprunter la même voie unique reliant Athènes à Thessalonique (nord) qu’un convoi de marchandises.
Des manifestations quotidiennes
Alors que la colère qui gronde depuis cette catastrophe ne redescend pas, des centaines de manifestants se sont rassemblés dans le calme à Athènes et Thessalonique samedi en fin de journée à l’appel des jeunesses communistes. Depuis le lendemain de la catastrophe, les Grecs sont descendus dans les rues pour manifester leur colère, accusant les autorités d’incurie et pointant du doigt la vétusté des infrastructures ferroviaires.
Un vaste rassemblement d’étudiants, d’employés des chemins de fer et du secteur public est prévu dimanche en fin de matinée, sur la place Syntagma, en face du Parlement. A la gare de Tempé, près du lieu du drame, les familles des victimes ont également prévu de se recueillir dimanche.
Les inhumations de victimes ont par ailleurs débuté dans une immense émotion. Ce drame a bouleversé toute la Grèce notamment parce que les victimes étaient pour beaucoup de jeunes étudiants rentrant d’un week-end prolongé à Thessalonique, la grande ville universitaire du nord.
Les poussées de colère ont aussi entraîné des heurts à Athènes et à Thessalonique. Vendredi soir, la police a fait usage de grenades lacrymogènes et assourdissantes dans ces deux villes. La colère est avant tout dirigée contre Hellenic Train. Le mot « Assassins » a été peint en lettre rouge sur la vitre du siège à Athènes devant lequel s’étaient massées vendredi plus de 5 000 personnes en colère et réclamant des comptes.
Un avertissement des syndicats il y a trois semaines
L’entreprise est mise en cause pour de nombreuses négligences et lacunes ayant entraîné cette catastrophe qualifiée de « tragédie nationale » par les autorités. Elle s’est défendue samedi soir, soulignant avoir « été présente dès les premiers instants sur les lieux » et mis en place « un centre d’appels (…) pour fournir des informations ». L’entreprise a également assuré ne gérer que le transport des passagers et du fret, tandis que la compagnie publique grecque des chemins de fer (OSE) est chargée du réseau, et donc de sa maintenance et de sa modernisation.
Le président du syndicat des conducteurs de train OSE, Kostas Genidounias, a mis en exergue les manquements à la sécurité sur la ligne incriminée. Les représentants syndicaux de la compagnie des chemins de fer Hellenic Train avaient, eux, tiré la sonnette d’alarme, il y a trois semaines. « Nous n’allons pas attendre l’accident qui arrivera pour voir les responsables verser des larmes de crocodile », avaient-ils averti.
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Les jeunes Grecs réclament la vérité malgré le mea culpa du gouvernement sur les défaillances « chroniques » du réseau ferroviaire qui ont conduit à l’accident.
« Nous sommes remplis de rage et ne pouvons accepter qu’un événement aussi tragique puisse se produire en 2023 », a souligné le président d’un syndicat étudiant, Angelos Thomopoulos, selon qui la plupart des universités sont restées portes closes vendredi.
Les trains n’ont pas circulé jeudi et vendredi après un appel à la grève des syndicats de cheminots. L’appel a été reconduit vendredi pour quarante-huit heures de plus. Le métro athénien a également prévu de débrayer une nouvelle fois dimanche après une première grève jeudi.