L’effondrement des prix de l’immobilier sème la panique chez les tenants du système traditionnel coréen d’accès au logement, baptisé « jeonse », théâtre d’une explosion des fraudes et des risques de faillite pour de nombreux jeunes. La crise est telle que l’Assemblée nationale devait voter, mercredi 24 mai, une loi d’aide aux victimes des dérives de ce système. Celui-ci a été développé en Corée au XIXe siècle, au moment de l’ouverture du pays, synonyme d’afflux d’étrangers, et qui se retrouve en Bolivie ou dans certaines régions de l’Inde.
Dans ce cadre, un locataire verse à un propriétaire une caution équivalente à entre 50 % et 80 % de la valeur d’un bien. Ce locataire peut alors en jouir, en général deux ans, sans payer de loyer. A cette échéance, le propriétaire lui restitue l’argent versé. La caution moyenne pour un appartement à Séoul était, fin 2022, de 680 millions de wons (478 000 euros).
« Les gens préfèrent le jeonse au loyer mensuel parce que les intérêts bancaires pour la caution reviennent moins cher qu’un loyer mensuel », explique Kim Yoo-jin, de l’université Kyonggi. Les locataires tendent aussi à considérer la caution comme une forme d’épargne, car « l’argent ne disparaît pas, contrairement au loyer mensuel », note Kwon Dae-jung, de l’université Myongji.
Propriétaires malveillants
Le système permet aux propriétaires d’obtenir des fonds à faire fructifier. A condition que les prix de l’immobilier augmentent régulièrement, mais modérément. Entre 1986 et 1990, les coûts des logements ont bondi de 47,3 %, et ceux des jeonse de 82,2 %. Confrontés à la hausse vertigineuse des cautions, de nombreux locataires ont été ruinés. Certains se sont suicidés.
Aujourd’hui, la tendance est à la baisse des prix des logements et du jeonse, en recul respectivement de 12 % et 7 % entre 2021 et 2023. Entre 2017 et 2021, ils avaient crû de 37 % et de 24 %, selon les données du Korea Real Estate Board.
Résultat, de plus en plus de propriétaires ne peuvent rembourser la caution au terme du contrat et les fraudes se multiplient, des logeurs disparaissant avec l’argent. La police a dénombré 622 affaires de ce genre en 2022, trois fois plus qu’en 2021. Le phénomène a pris une telle ampleur que les victimes ont créé un site Web, « Mauvais propriétaires », qui dévoile les informations personnelles des propriétaires malveillants.
Les premières victimes sont les jeunes entre vingt et quarante ans, adeptes du jeonse car n’ayant pas les moyens d’acheter un bien immobilier – un rêve partagé par de nombreux Coréens – et ne souhaitant pas louer. Beaucoup se sont endettés : les crédits pour des contrats de jeonse représentaient, fin 2022, 10 % de l’endettement des ménages.
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