« La Bundeswehr manque de tout » : lors de la présentation à la presse de son rapport annuel, mardi 14 mars, la commissaire à la défense du Bundestag, Eva Högl, n’a pas mâché ses mots. Connue pour son franc-parler, cette ancienne députée sociale-démocrate (SPD), qui occupe depuis 2020 ce poste créé en 1957 pour aider les parlementaires à exercer leur pouvoir de contrôle sur l’armée allemande, a dressé un état des lieux accablant.
Sur les 100 milliards d’euros du « fonds spécial » annoncé par le chancelier Olaf Scholz pour moderniser la Bundeswehr, le 27 février 2022, trois jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, « pas un centime n’est encore arrivé à nos soldats », a déploré Mme Högl. Pour être précis, environ 30 milliards d’euros ont déjà été affectés, notamment pour l’acquisition de trente-cinq avions de chasse américains F-35, dont la livraison est attendue à partir de 2026, mais la commissaire à la défense du Bundestag n’en pointe pas moins une réalité, dénoncée notamment par l’opposition conservatrice (CDU-CSU) : adopté dès l’été 2022, le « fonds spécial » de 100 milliards d’euros aurait pu être mobilisé beaucoup plus vite qu’il ne l’a été.
Quoi qu’il en soit, cette enveloppe ne suffira pas. Selon la commissaire à la défense du Bundestag, ce ne sont pas 100 mais 300 milliards d’euros dont a besoin la Bundeswehr pour devenir pleinement « opérationnelle », ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. « Nous n’avons pas assez de chars pour pouvoir nous entraîner, il nous manque aussi des bateaux, des navires et des avions », s’est-elle inquiétée, soulignant qu’en raison des équipements livrés à l’Ukraine la Bundeswehr est aujourd’hui encore plus sous-équipée qu’elle ne l’était avant le 24 février 2022.
Situations invraisemblables
Rendu public en plein débat sur les préarbitrages budgétaires pour l’année 2024, le rapport de Mme Högl va exactement dans le sens du nouveau ministre de la défense, Boris Pistorius (SPD), qui, depuis sa nomination au gouvernement, en janvier, réclame une augmentation annuelle de 10 milliards d’euros de son budget. Une condition nécessaire, selon lui, pour que l’Allemagne dépense durablement 2 % de son produit intérieur brut (PIB) pour sa défense, conformément aux objectifs fixés par l’OTAN à ses membres et comme s’y est engagé Olaf Scholz dans son discours du 27 février 2022. C’est encore loin d’être le cas : en 2022, l’Allemagne n’a consacré que 1,4 % de son PIB à ses dépenses militaires.
L’argent n’est cependant pas tout. Dans son rapport, Eva Högl cite plusieurs cas dans lesquels le manque de moyens financiers ne permet pas d’expliquer certaines situations invraisemblables. Celle, par exemple, des nageurs de combat de la base d’Eckernförde, près de la frontière danoise. Depuis 2010, la piscine où ils sont censés s’entraîner est en travaux. Selon le ministère de la défense, ceux-ci devraient être achevés en 2024. Quatorze ans pour rénover un équipement destiné à une unité d’élite de la Bundeswehr : l’exemple est à peine croyable.
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