Des experts chinois relativisent l’amitié « sans limites » entre Pékin et Moscou

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Même s’ils continuent de l’appeler « la crise ukrainienne », les spécialistes chinois de la Russie et de l’Europe centrale ne cachent plus leur désarroi face à l’évolution de la guerre menée par Moscou. S’ils avaient un message à faire passer à Xi Jinping, ce serait : prudence. « La Chine n’a aucun intérêt à faire une alliance avec la Russie. Aucun des deux pays n’a d’ailleurs d’obligation à l’égard de l’autre. Ce n’est pas vraiment compris par les Occidentaux, mais les deux pays ne sont que partenaires. Pas davantage. Ils ont bien suffisamment de problèmes internes à régler comme ça », explique Liu Jun, 53 ans, spécialiste de l’Europe centrale à l’Université normale de la Chine de l’Est, dont le vaste bureau shanghaïen est occupé par plusieurs livres sur la Biélorussie et par une photo officielle de Xi Jinping et Alexandre Loukachenko.

« Il y a quelques universitaires qui soutiennent une alliance avec la Russie, mais je n’en fais pas partie », confie Zhao Long, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales de Shanghaï. Même s’il estime qu’« il ne faut pas sous-estimer le pouvoir politique et militaire de la Russie », ce quadragénaire constate que ces dix dernières années, la Russie « n’a pas su tirer profit de la révolution technologique ».

Selon lui, l’une des raisons pour lesquelles la Chine est proche de la Russie, c’est qu’elle a peu de choix. « Il n’y a pas beaucoup de partenaires qui partagent notre vision de l’ordre mondial », reconnaît-il. Pour ajouter aussitôt : « Il y a une différence importante : la Russie veut détruire le système international actuel pour en bâtir un nouveau, alors que la Chine veut transformer le système actuel en y occupant une place plus importante. » A ses yeux, la Chine et la Russie partagent le même point de vue sur l’origine de « la crise ukrainienne » mais pas sur la façon de la régler : « La Chine est contre le recours à la force. »

« Des échecs de Poutine »

Dans son bureau de l’Académie des sciences sociales de Shanghaï, Pan Dawei est le plus critique sur les Etats-Unis, ce pays « trop jeune, trop fou ». Pour ce septuagénaire, l’Occident a perdu une occasion historique au début du XXIe siècle d’arrimer la Russie à l’Occident. Une remarque souvent entendue en Chine. Il admet qu’« il est difficile de dire si Poutine est bon ou mauvais » mais il s’inquiète d’ores et déjà d’une des conséquences du conflit : « la montée du nationalisme, partout dans le monde ».

« Poutine a sa propre logique mais il a sous-estimé la réaction des Occidentaux. Il voulait rendre la Russie plus forte mais aujourd’hui, difficile de dire si la Russie est une puissance sur le déclin ou en progression, juge Liu Jun, qui ne voit pas d’issue prochaine au conflit. Difficile de dire si la Russie va perdre ou gagner le conflit. Celui-ci va probablement durer encore assez longtemps. »

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