Comment le cinéma iranien questionne la religion malgré la censure

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Apparu à la cour du chah, au début du XXe siècle dernier, le cinéma iranien s’est développé à la fin des années 1940, avant de se diversifier de manière conséquente à partir des années 1960. Mais la révolution islamique de 1979 a obligé les cinéastes à user d’ingéniosité pour créer dans un contexte de censure portée, essentiellement, sur le contrôle des mœurs et la politique.

Si la plupart des films iraniens ne traitent pas directement de la religion, le sujet étant particulièrement sensible ou pas nécessairement au centre des préoccupations des réalisateurs, cela n’empêche pas certains cinéastes d’aborder la transcendance ou la spiritualité, voire de tourner le clergé en dérision. En cette quinzaine de Festival de Cannes, Le Monde des religions analyse en cinq points la place du religieux dans un 7e art iranien sous surveillance.

Contourner la censure

« Au début des années 1980, le nouveau régime décide de fonder un cinéma islamique, entraînant la disparition des films occidentaux, mais aussi des “films farsi”, un genre populaire local », mélange de comédie, de film noir et d’érotisme, qui a dominé le marché sous le régime du chah, explique la spécialiste du cinéma iranien Agnès Devictor, autrice de Politique du cinéma iranien, de l’ayatollah Khomeyni au président Khatami (CNRS Editions, 2004).

Pour combler le manque de recettes issues de ces industries lucratives, la République islamique met alors en place une politique publique du cinéma à travers différentes institutions, certaines rattachées au ministère de la culture et de l’orientation islamique, d’autres placées directement sous l’autorité du Guide suprême.

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« Cela permet une certaine concurrence au sein même du secteur public, tout en maintenant parfois des coproductions avec le secteur privé, ajoute la chercheuse. Le cadre normatif, à l’époque, censurait tout film qui ne correspondait pas à la norme islamique [chiite]. Mais cette définition restait relativement vague, ce qui a permis aux réalisateurs de jouer sur les antagonismes des uns et des autres pour proposer une production très variée dans les années 1980 et 1990. »

Des films audacieux ont ainsi été financés par la puissance publique. C’est notamment le cas de ceux produits au Kanoun, organisme pédagogique fondé sous le régime du chah et qui sera maintenu après 1979. « Il s’agit d’un lieu de création esthétique et de réflexion politique où les œuvres vont jusqu’à interroger les normes ou les relations de pouvoir », explique Agnès Devictor, citant par exemple Bashu le petit étranger, de Bahram Beizai (1985), qui raconte l’histoire d’un enfant du sud de l’Iran, parlant l’arabe, fuyant vers la province du Guilan (nord), où il trouve refuge chez une dame parlant le guilaki (une langue iranienne), en pleine guerre contre l’Irak. « Ce film interroge ce que signifie être iranien », résume la chercheuse.

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