Ce que raconte vraiment « la dernière photo » de Salvador Allende, le président chilien qui s’est donné la mort après le coup d’Etat militaire de 1973

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Dans quelques heures, Salvador Allende va mourir en se tirant une balle dans la tête, mais, à 9 h 45, ce 11 septembre 1973, le président du Chili a encore une allure de combattant. L’armée a lancé un putsch à la fraîche. Retranché dans son palais de la Moneda, à Santiago, il descend dans la cour avec des fidèles. Il a 65 ans. Le casque est de travers et la sangle pend, la veste en tweed tient par le bouton du bas, le chandail est incongru, le pas hésitant, mais la main droite serre fermement un fusil automatique AK47 tenu à l’épaule. Un cadeau du Cubain Fidel Castro. Son regard fixe le ciel. Il voit passer très bas les avions de chasse Hawker Hunter. C’est de là que viendront les bombardements des militaires.

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Tout cela, on le voit et on le sent sur une photo devenue iconique, archi-diffusée et publiée ces cinq décennies dernières – journaux, livres, expositions, conférences, films documentaires… Le magazine américain Time l’a retenue en 2016 parmi ses 100 photos les plus importantes jamais faites. Des historiens l’ont décortiquée et mise en regard avec cinq autres, prises un peu avant et un peu après, l’ensemble constituant une mine d’informations sur les dernières heures d’Allende. Six images, donc, mais celle-ci écrase les autres, au point d’être communément surnommée « la dernière photo d’Allende ».

Il faut dire qu’elle montre ce qu’on ne voit jamais, le moment-clé, où l’histoire bascule, l’instant où un homme élu démocratiquement vacille face à un coup d’Etat dans un continent qui en était alors friand. Le cliché est devenu un symbole de résistance. Mais aussi de l’impuissance d’un dirigeant pris en étau entre une aile gauche radicale préférant « les fusils au vote » et une droite prête à attiser le désordre économique avec le soutien du président américain, Richard Nixon, lequel qualifiait son homologue chilien de « fils de pute ».

Il y a aussi le personnage Allende. Toute la gauche européenne est fascinée par ce grand bourgeois qui a pris le pouvoir par les urnes et l’exerce par la réforme, à l’opposé de la révolution à la cubaine. Cette gauche observe à la loupe les trois ans du gouvernement d’Unité populaire, notamment en France, où socialistes et communistes se cherchent. Alors, voir ce chirurgien de formation avec une mitraillette…

« Un Mitterrand l’arme au poing », résume Robert Pledge, directeur de l’agence photo Contact, qui avait interviewé Allende en 1971. M. Pledge, aujourd’hui âgé de 81 ans, résume bien l’émotion planétaire, au moment du coup d’Etat de 1973. On lui demande comment lui-même l’a appris, et il a cette réponse : « Je me trouvais dans une cabine téléphonique de la 5e avenue, à New York. C’est la première fois de ma vie que je pleurais pour des raisons politiques. »

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