Ce que l’on sait de l’« infiltration » ukrainienne en Russie

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Le président russe, Vladimir Poutine, a dénoncé jeudi 2 mars une attaque « terroriste » après que Moscou a fait état d’une incursion de « saboteurs » ukrainiens dans la région de Briansk, dans le sud-ouest de la Russie et frontalière de l’Ukraine. Les autorités russes accusent notamment des « saboteurs » d’avoir ouvert le feu sur une voiture dans le village de Lioubetchane, accusations démenties par Kiev.

Malgré les zones d’ombre qui l’entourent, cette infiltration ukrainienne présumée a été largement commentée sur les chaînes Telegram ultranationalistes ou proches de l’armée. Celles-ci ont relayé durant toute la journée des rumeurs ensuite démenties : tirs sur un autobus scolaire, mort d’un enfant, prise en otage d’habitants… Selon les autorités russes citées par l’agence TASS, deux civils ont été tués et un enfant de 11 ans blessé.

Aussi flous soient-ils, les échanges de tirs survenus jeudi sont parmi les premiers signalés sur le sol russe depuis le début de la guerre, ce qui marque une évolution notable dans la perception russe du conflit. Quelques jours avant de lancer l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, le 24 février 2022, Moscou avait déjà évoqué, dans une mise en scène grossière, une incursion de soldats et de blindés ukrainiens sur son territoire – épisode parmi d’autres également censés préparer l’opinion à l’offensive à venir.

Depuis, hormis quelques sabotages, les seules attaques signalées sont venues des airs : tirs d’artillerie sur des objectifs militaires dans les zones frontalières, avec parfois des victimes civiles ; attaques de drones sur des objectifs plus en profondeur dans le territoire russe.

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Multiplication des attaques ukrainiennes

Les événements de jeudi interviennent alors que ces attaques se sont encore intensifiées récemment. En début de semaine, des drones ont ainsi attaqué plusieurs régions à la fois, endommageant une raffinerie de pétrole dans la ville de Touapsé (région de Krasnodar). Un drone est même tombé dans la région de Moscou, une première. Encore plus au nord, à Saint-Pétersbourg, l’espace aérien a été fermé pendant plusieurs heures, mardi, l’armée évoquant des « entraînements ».

Jeudi, en même temps que les attaques dans la région de Briansk, des bombardements étaient encore signalés dans celle, voisine, de Koursk, qui sert de base arrière à l’armée russe. Un civil aurait été tué et un autre blessé.

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Le FSB appelé à réagir

Dans une allocution retransmise à la télévision, M. Poutine a dénoncé une attaque commise par des « néonazis » et des « terroristes » ayant « ouvert le feu sur des civils ». « Nous les écraserons », a-t-il lancé. Lors d’un discours, mardi, devant les élites politiques et militaires russes, il a exigé du FSB qu’il accentue ses efforts contre les tentatives d’espionnage et ce qu’il a qualifié de menaces terroristes émanant d’Ukraine et des pays occidentaux. Selon le Kremlin, M. Poutine a annulé un déplacement prévu jeudi dans le Caucase russe pour suivre l’évolution de la situation dans la région de Briansk. « Nous parlons d’une attaque terroriste. Des mesures sont prises pour détruire les terroristes », a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Dans la soirée, les services de sécurité (FSB) ont affirmé que la situation était « sous contrôle », « les nationalistes ukrainiens » ayant été repoussés vers l’Ukraine et visés là-bas par « une frappe massive d’artillerie ».

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Nombre de voix se sont élevées pour exiger des bombardements accrus sur les villes ukrainiennes, un contrôle renforcé de l’armée sur les zones frontalières ou des actions visant directement le commandement militaire et politique.

Le député Mikhaïl Deliaguine demandait ainsi « la liquidation de Zelensky ». Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov exigeait de son côté l’imposition de la loi martiale dans tout le sud de la Russie, alors que celle-ci n’est en vigueur que dans les régions annexées par Moscou. D’éventuelles annonces n’interviendront que vendredi, jour où un Conseil de sécurité nationale a été convoqué.

Provocation russe, selon l’entourage de Zelensky

Cette « histoire » de saboteurs « est une provocation délibérée, classique. La Russie veut effrayer sa population pour justifier » son offensive, a réagi sur Twitter Mykhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne.

Le média d’opposition russe Novaïa Gazeta Europe et Michael Colborne, de l’ONG Bellingcat, affirment pourtant savoir que l’opération a été menée par un certain Denis Nikitin. Il est le fondateur du Corps des volontaires russes (RDK), une organisation d’extrême droite formée en 2022 et qui a des liens avec l’armée ukrainienne. Mais rien ne permet d’affirmer que les membres de ce commando aient agi sur ordre de l’armée ukrainienne.

Selon Andriy Yusov, un représentant du gouvernement ukrainien, « la Fédération de Russie est une entité au sein de laquelle il existe aujourd’hui un grand nombre de conflits ». Il explique, à propos du Corps des volontaires russes : « Ce sont des gens qui, les armes à la main, se battent contre le régime de [Vladimir] Poutine et ceux qui le soutiennent… Peut-être que les Russes commencent à se réveiller, à prendre conscience de quelque chose et à prendre des mesures concrètes. »

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