Catherine Colonna : « La Françafrique est morte depuis longtemps »

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Catherine Colonna est ministre de l’Europe et des affaires étrangères depuis mai 2022. Elle défend les positions de Paris face aux coups d’Etat survenus au Niger et au Gabon cet été, souvent au détriment des intérêts français, et invite à la patience au sujet de la contre-offensive ukrainienne contre la Russie.

La France n’est-elle pas dans une impasse au Niger ?

La politique de la France est simple. D’une part, nous condamnons toute prise de pouvoir par des putschistes, qui plus est dans un pays comme le Niger où les institutions démocratiques fonctionnaient. D’autre part, nous appuyons les efforts des pays de la région pour parvenir à un retour à l’ordre constitutionnel. Les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest [Cedeao] ont formulé un certain nombre de demandes et décidé de sanctions économiques, financières, de la fermeture des frontières, et d’un recours éventuel à une force régionale si les efforts diplomatiques en cours n’étaient pas couronnés de succès. Les seules autorités du Niger que nous reconnaissons, comme l’ensemble de la communauté internationale, sont le président Mohamed Bazoum et son gouvernement. Notre position n’a rien de singulier de ce point de vue.

N’est-ce pas risqué de maintenir coûte que coûte l’ambassadeur français à Niamey ?

Il est notre représentant auprès des autorités légitimes du Niger, accrédité comme tel, et nous n’avons pas à nous ranger aux injonctions d’un ministre qui n’a aucune légitimité, ni pour les pays de la sous-région, ni pour l’Union africaine, ni pour les Nations unies, ni pour la France. C’est ce qui explique le maintien de notre ambassadeur. Nous nous assurons qu’il puisse faire face en toute sécurité aux pressions des putschistes.

Dans un climat de défiance aussi fort, est-il possible de maintenir les troupes françaises, dont la junte réclame le départ ?

Il est important de rappeler que ces troupes sont là à la demande des autorités du Niger, pour les appuyer dans la lutte contre les groupes armés terroristes, et pour mener des actions de formation. Aujourd’hui, cette mission ne peut plus être assurée, puisque nous n’avons plus, de facto, d’opérations menées conjointement avec les forces armées nigériennes.

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Après le Mali, redoutez-vous l’intrusion au Niger des mercenaires russes de Wagner ?

L’auteur principal du coup d’Etat [le général Tchiani] semble d’abord avoir agi pour lui-même et non à l’instigation de Wagner ou de la Russie. Mais que la Russie, là comme ailleurs, y ait vu un gain d’opportunité possible, je crois que c’est assez clair. Je ne suis pas convaincue que tout le monde dans le pays dorme avec un drapeau russe flambant neuf sous son oreiller et le sorte à la première occasion. Il y a une tentation populiste de s’en prendre à la France et de vouloir rallier contre elle. C’est le propre du populisme de trouver un bouc émissaire et d’aller agiter ce genre de prêt-à-porter idéologique.

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