En anorak bleu, tee-shirt et chaussures de sport, Mark Rutte fait campagne dans la banlieue de La Haye, samedi 11 mars. Il serre des mains, se penche sur la poussette d’un bébé, se prête au jeu des photos, prend par l’épaule une inconnue et blague : « Mais où étais-tu passée depuis tout ce temps ? » Le premier ministre libéral des Pays-Bas, en poste depuis octobre 2010 – un record européen –, raffole toujours de ces contacts avec un électorat que le grand quotidien NRC décrit pourtant, le jour même, comme lassé par la politique et à nouveau tenté par les extrêmes, juste avant les élections provinciales qui doivent se tenir mercredi 15 mars.
Cette atmosphère rappelle celle de 2019 quand, à la surprise générale, le Forum pour la démocratie (FVD) de Thierry Baudet, europhobe et extrémiste de droite, était arrivé en tête lors des précédentes élections, devenant même majoritaire dans trois des douze provinces du royaume. Quatre ans plus tard, à la veille de ce même scrutin, qui déterminera aussi la composition de la première chambre législative – les élus provinciaux élisent ensuite les sénateurs –, le FVD s’est noyé dans des combats internes, son dirigeant est discrédité et des dissidents ont fondé un nouveau parti libéral conservateur, Juste réponse 2021 (JA21), qui espère créer la surprise.
Geert Wilders, l’autre dirigeant d’extrême droite, à la tête du Parti pour la liberté, a mené une campagne assez discrète sur le thème « Votez pour renvoyer ce gouvernement ». Son cheval de bataille, la lutte contre l’immigration, reste un thème d’actualité dans un pays confronté à l’arrivée de nombreux demandeurs d’asile mais, depuis des mois, un autre sujet s’impose : le « Plan azote » du gouvernement Rutte IV. Il vise à réduire les émissions de 50 % à l’horizon 2030, ce qui suppose une réduction du cheptel de 30 %, le rachat de centaines de fermes parmi les plus polluantes, des déplacements, et des cessations d’activité.
Dossier crucial
Ce dossier est crucial pour un pays qui est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires derrière les Etats-Unis. Le projet de la ministre libérale de la nature, Christianne van der Wal, a engendré une violente révolte du secteur à l’été 2022, mobilisant des dizaines de milliers de protestataires. Les esprits semblaient calmés, mais samedi, tandis que M. Rutte était dans les rues de La Haye, des agriculteurs ont à nouveau bloqué une partie de la ville pour protester contre des mesures censées coûter au moins 25 milliards d’euros au budget du pays. Non loin de là, le mouvement Extinction Rebellion entravait le trafic sur une autoroute pour réclamer, au contraire, une action plus rapide et plus vigoureuse des pouvoirs publics.
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