Trois mois après le début de la crise politique provoquée par la destitution du président de gauche Pedro Castillo, le 7 décembre 2022, et attisée par la férocité de la répression policière, le Pérou continue de se déchirer. Jeudi 2 mars, un nouveau contingent de manifestants arrivait à Lima, la capitale, depuis le sud du pays. Même si l’intensité de la contestation semblait avoir diminué au cours des semaines précédentes, la colère populaire ne tarit pas. « Dina dynamite, Dina tueuse », scandent toujours les manifestants, en brandissant les portraits de leurs camarades tués au cours d’un trimestre de violences. Ils exigent le départ de Dina Boluarte, la vice-présidente arrivée au pouvoir après la chute de Pedro Castillo et son coup d’Etat manqué, mais également la tenue d’élections immédiates et la formation d’une Assemblée constituante. Or, Mme Boluarte n’entend pas démissionner et le Congrès se refuse à convoquer des élections anticipées.
« Que se vayan todos ! » (« tous dehors ! ») : le slogan clamé dans les cortèges dit une rage profonde. Inégalités sociales abyssales, disparités régionales, racisme, corruption endémique : les raisons de la colère se superposent et se renforcent. Alors que les fractures du Pérou sont anciennes, le pouvoir parie sur l’usure du mouvement. Certains analystes politiques redoutent, au contraire, une escalade nourrie de malaise social, sur fond de dérive autoritaire.
La révolte est partie des campagnes. Les premiers à se mobiliser ont été les paysans autochtones (le terme s’emploie au Pérou pour désigner les peuples originaires ou indigènes, le mot « indien », qui vient de la colonisation, étant perçu comme une insulte). Ils avaient massivement voté pour Pedro Castillo, issu, comme eux, du monde rural. Le sud du pays, d’où est partie la vague de protestation, a également été le principal théâtre du déchaînement des violences policières. Au total, quarante-huit manifestants et un policier ont été tués.
Décrété début décembre 2022, puis élargi et prolongé, l’état d’urgence est toujours en vigueur dans sept régions. Pendant des semaines, le déploiement des forces de l’ordre a été impuissant à ramener un semblant de normalité dans le pays. Une vingtaine de routes sont toujours bloquées, les problèmes d’approvisionnement en denrées alimentaires, gaz et essence se font sentir et les prix explosent. L’« autoroute » du corridor minier a finalement été rouverte, permettant la sortie du minerai de cuivre, dont le Pérou est le deuxième producteur mondial.
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