Au Pakistan, « la jeune génération en a assez des dynasties politiques »

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Ayesha Siddiqa, chercheuse associée au King’s College à Londres et spécialiste de l’armée pakistanaise, revient sur la crise sans précédent que traverse le Pakistan et sur le mouvement de protestation qui a éclaté après l’arrestation, mardi 9 mai, d’Imran Khan. L’ancien premier ministre a été libéré, vendredi, sur ordre de la justice, pour deux semaines.

Quelles sont les raisons de la colère des Pakistanais ?

Les Pakistanais qui manifestent sont des partisans du Pakistan-Tehrik-e-Insaf (PTI), la formation d’Imran Khan, mais le mouvement est spontané et n’est pas contrôlé par les cadres du parti. La colère soudaine représente sept décennies de frustrations dans une société qui a vu l’armée se mêler constamment des affaires politiques, économiques et même sociétales du pays.

L’armée est donc au cœur des problèmes que connaît aujourd’hui le Pakistan…

Elle fait partie du problème. Très tôt après la création du Pakistan, il y a soixante-quinze ans, l’armée a étendu son pouvoir et a essayé d’établir son autonomie vis-à-vis du Parlement et des acteurs politiques. Initialement, les civils étaient aux commandes et l’armée suivait, mais cette relation a commencé à changer avec la première loi martiale en 1958. Aujourd’hui, l’armée donne le la et les acteurs civils suivent.

Le contrôle des militaires sur l’Etat et le conflit civilo-militaire qui a suivi ont détruit toutes les institutions. Le système judiciaire est divisé. La bureaucratie civile est complètement affaiblie, incapable de remplir sa mission. Les partis politiques sont profondément désorientés, ils ne savent pas comment structurer leurs forces au Parlement, une institution dans laquelle ils ne croient pas. Le conflit entre les civils et les militaires est devenu particulièrement intense dans les années 1990, l’armée tentant d’établir son hégémonie politique, économique mais aussi intellectuelle.

Imran Khan est-il le seul à contester le pouvoir de l’armée ?

En surface, mais dans la réalité cette contestation est beaucoup plus large et englobe les autres partis politiques qui ont poussé Imran Khan vers la sortie, avec le soutien des militaires. Ils reprochent à l’armée d’avoir porté Imran Khan au pouvoir en 2018 et pensent que le temps est venu pour eux de s’imposer. Ils considèrent que l’armée doit désormais les soutenir. Les militaires demeurent centraux, même dans l’affrontement entre les partis. Il ne s’agit pas simplement d’une question d’élections.

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A quoi aspirent les Pakistanais ?

La nouvelle génération de Pakistanais, les jeunes et les femmes, en a assez des dynasties politiques qui ont régné pendant des décennies et est prête à voter pour Imran Khan, même si tous ne l’apprécient pas forcément. Soixante pour-cent de la population a entre 18 et 35 ans.

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