Au Gabon, après le putsch, une transition en quête d’équilibre

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Progressivement l’architecture institutionnelle de la transition se met en place au Gabon, depuis le putsch du 30 août qui a déposé le président Ali Bongo Ondimba (2009-2023), quelques minutes seulement après la proclamation des résultats à l’élection présidentielle ostensiblement truqués.

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Le nouvel homme fort du pays, le général de brigade Brice Oligui Nguema, fait preuve d’un sens certain de l’équilibre politique : il tend la main à certains déchus de l’ancien régime ; il redonne de l’oxygène à une société civile asphyxiée ; il remet en jeu une opposition qui n’avait jusqu’alors d’autres choix que la compromission ou la résignation à des défaites programmées par un régime prêt à tout pour conserver prébendes et pouvoir (détenu depuis 1967). Mais ce jeu subtil ne dissimule pas la toute-puissance de l’ex-commandant en chef de la garde républicaine devenu grand maître des horloges de la transition.

Tout est dit, sans artifice, dès le préambule de la charte de la transition publiée le 4 septembre au Journal officiel de la République gabonaise : « Nous, membres des forces de défense et de sécurité de la République gabonaise regroupés au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions [CTRI] inspirés par la volonté (…) de changement pour le bien-être et le vivre-ensemble du peuple souverain du Gabon ayant conduit à la prise effective du pouvoir par l’armée gabonaise (…) approuvons et adoptons la présente charte. »

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Ce texte, sorti de la manche du général Nguema le jour de sa prestation de serment, a prééminence sur la Constitution du 26 mars 1991. Sous la signature du président du CTRI apparaissent celles de six généraux : le chef de la police nationale, Serge Hervé Ngoma, le chef d’état-major des armées, Jean Martin Ossima Ndong, celui de la gendarmerie, Yves Barrassouaga, de la sécurité pénitentiaire, Jean Germain Effayong Onong, du service de santé militaire, Jean Raymond N’zenze, et, enfin, le directeur général du génie militaire, Gabin Oyougou. Aucun civil n’a été convié.

Presque tous les pouvoirs

Primus inter pares, Brice Oligui Nguema s’octroie presque tous les pouvoirs. En tant que président de la transition, « il remplit les fonctions de chef de l’Etat, de ministre de la défense et de la sécurité ». Il nomme, et démet si besoin est, la présidence du Sénat de transition et les quatre vice-présidences. Il choisit les cinquante sénateurs. Même schéma pour l’Assemblée nationale – et ses soixante-dix députés. Il nomme également les neuf membres de la Cour constitutionnelle de la transition.

Il est à noter que ni le premier ministre ni les membres du gouvernement, pas plus que les présidentes ou présidents des institutions de transition, ne sont « éligibles à l’élection présidentielle qui sera organisée pour marquer la fin de la transition ». Une disposition restrictive à laquelle échappe, en revanche, le tout-puissant chef de la transition, qui se garde ainsi d’insulter son avenir politique.

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Certes, le président de la transition a ouvert le jeu politique aux représentants de la plate-forme de l’ancienne opposition Alternance 2023, qui avait présenté une candidature unique face à Ali Bongo Ondimba lors de la présidentielle du 26 août. Elle obtient la primature et la présidence du Sénat, pour les postes les plus haut placés. En direction de la société civile, parmi d’autres personnalités, Marc Ona Essangui, militant des droits humains, s’est vu propulsé à la troisième vice-présidence du Sénat. Certains membres éminents de l’ancien parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG), n’ont pas été oubliés. Parmi eux, Jean-François Ndongou, ancien ministre de l’intérieur et nouveau président de l’Assemblée nationale.

Si l’opinion publique a applaudi cette ouverture en direction du PDG, elle a moins bien compris la mansuétude accordée à d’anciens responsables du clan Bongo libérés de prison ou du contrôle judiciaire par le fait du nouveau prince. En tête de liste figure l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo, Brice Laccruche Alihanga, dit « BLA », tout-puissant jusqu’à sa déchéance en 2019. Condamné le 29 octobre 2021 à cinq ans de prison ferme pour faux et usage de faux, accusé depuis 2022 de détournement de fonds publics, il a été libéré lundi de la prison centrale de Libreville.

Largesses

Même réserves concernant la grâce accordée à l’un des proches de « BLA », également détenu à Gros-Bouquet, Renaud Allogho Akoué. L’ex-directeur de la Caisse nationale d’assurance-maladie et de garantie sociale avait été arrêté en 2019 dans le cadre de l’opération « Scorpion », lancée pour lutter contre la corruption, et aussi, accessoirement, éliminer quelques gêneurs. La cour criminelle spéciale l’avait condamné en 2022 à huit années de réclusion criminelle pour « détournement de biens publics », « suspicion de blanchiment de capitaux », « trafic d’influence » et « tentative de corruption ». Même réaction face à la libération de l’ancien maire de Libreville, Léandre Nzué, également proche de « BLA ».

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Ces largesses relèvent du régime d’exception en vigueur au Gabon. Pour autant, le chef de la transition refuse de se laisser qualifier de putschiste. Mercredi, à l’occasion d’une des multiples consultations tenues avec toutes les composantes de la société gabonaise, il a répété son credo et invoqué le ciel : « Que les gens regardent bien ce qui s’est fait dans le monde entier, les coups d’Etat qu’il y a eus dans le monde. Le nôtre n’est pas un coup d’Etat. C’est un coup de liberté. Il fallait libérer le peuple gabonais. Nous avons mené une action où il n’y a pas eu de sang, où Dieu a été avec nous. Il nous a épargnés de tout ce grabuge. » Pour le moment du moins.

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