L’écrin de cuir est doublé d’un velours sombre. A l’intérieur sont déposés des bijoux étincelants : une paire de boucles d’oreilles, une bague, une montre et un collier orné de dizaines de pendentifs incrustés de diamants. L’ensemble, issu du joaillier suisse Chopard, est estimé à près de 3 millions d’euros. Son destinataire, plutôt inattendu, se révèle être Jair Bolsonaro.
Voilà deux semaines que l’« affaire des diamants » défraie la chronique au Brésil. L’ancien président est accusé par la presse d’avoir tenté de rapporter illégalement dans le pays cet ensemble de bijoux, cadeau du gouvernement saoudien. Elle embarrasse au plus haut point un Jair Bolsonaro dos au mur, toujours en Floride et menacé en justice.
Tout commence en octobre 2021. Alors président, Jair Bolsonaro dépêche à Riyad son ministre des mines et de l’énergie, l’amiral de la Marine Bento Albuquerque, assister à sa place au sommet du « Moyen-Orient vert », promu par le prince héritier Mohammed Ben Salman, dit « MBS », afin de promouvoir les initiatives de l’Arabie saoudite en matière de changement climatique.
Au retour, le 26 octobre, les douaniers de l’aéroport international de Guarulhos, à Sao Paulo, font une découverte surprenante : dissimulé au fond du sac à dos d’un militaire, conseiller du ministre Albuquerque, ils retrouvent un écrin de bijoux Chopard. Le tout a une valeur largement supérieure à 1 000 dollars et aurait dû être déclaré au préalable. Il est immédiatement saisi par l’administration fiscale.
« Une image d’homme du peuple, sérieusement écornée »
L’ensemble est en réalité un très généreux cadeau offert par le pouvoir saoudien à Jair Bolsonaro et son épouse Michelle. Mais le président d’extrême droite – battu depuis lors de la présidentielle 2022 par Lula – ne souhaitait visiblement ni reverser ces bijoux au Trésor public ni payer d’importants droits de douane (soit 50 % de la valeur du produit). Il aurait donc ordonné à son ministre de faire discrètement passer « ses » diamants au Brésil.
L’affaire ne s’arrête pas là. Durant plus d’un an, Bolsonaro a tout fait pour remettre la main sur les bijoux. A plusieurs reprises, des hommes de confiance sont envoyés négocier avec les douanes de l’aéroport. Le 29 décembre 2022, trois jours avant la fin du mandat, un sergent de la Marine descend d’un avion de l’armée à Guarulhos et menace les douaniers : « On ne peut rien laisser d’ancien au prochain [gouvernement], il faut tout prendre et emporter ! » En vain.
Révélé début mars par le journal Estadao, le scandale n’en finit pas de rebondir. La presse a mis au jour l’existence d’un deuxième ensemble d’objets de luxe, d’une valeur estimée à 70 000 euros, que Jair Bolsonaro serait, cette fois, parvenu à faire passer avec succès au Brésil. Depuis, la police fédérale, la Cour des comptes et le parquet se sont saisis de l’affaire. Plusieurs parlementaires sont favorables à l’ouverture d’une commission d’enquête.
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